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et entretenue par notre mode de recrutement naval ; et cette habitude, ils ne font pas difficulté de s’y livrer dans la visite des bâtimens étrangers. » On lisait enfin, dans la brochure, cette déclaration, que toute tentative de la part de l’Angleterre pour soumettre à la visite le pavillon des États-Unis serait le signal de la guerre entre les deux nations, aussi certainement que le soleil de demain se lèverait sur elles.

Ce fut sous ces auspices que s’ouvrit la session des chambres françaises. Le traité du mois de décembre, comme chacun s’y attendait, fut tout d’abord attaqué, à l’occasion de l’adresse, dans la chambre élective. L’opposition se plaignit qu’après le traité du 15 juillet, par lequel l’Angleterre s’était séparée de la France, on lui eût fait une semblable concession ; elle reproduisit tous les reproches faits au droit de visite en général, et cita de nouveaux exemples des abus produits par les conventions de 1831 et de 1833, des violences exercées sur nos bâtimens, des préjudices causés à notre commerce ; elle demanda pourquoi aucun bâtiment anglais n’avait eu à former de semblables plaintes contre notre marine ? Cela ne venait-il pas de ce que nous ne les visitions point, ou les visitions avec plus d’égards et de modération ? Elle en conclut que la réciprocité n’était qu’illusoire, et que, loin d’étendre les conventions de 1831 et 1833, il faudrait les abolir. Un amendement fut proposé par elle, dont le but était d’empêcher la ratification du traité dont elle se plaignait. Les plaintes de l’opposition trouvèrent cette fois de la sympathie dans la majorité, et tout ce que purent faire les amis du ministère pour dissimuler sa défaite et pour empêcher l’adoption de l’amendement de l’opposition, ce fut d’en présenter un eux-mêmes, un peu différent dans la forme, mais semblable dans le fond ; il était ainsi conçu : « Nous avons la confiance qu’en accordant son concours à la répression d’un trafic criminel, votre gouvernement saura préserver les intérêts de notre commerce et l’indépendance de notre pavillon. » L’auteur de l’amendement expliqua qu’il avait pour but d’empêcher la ratification du traité, et il ajouta qu’à ses yeux, ceux de 1831 et de 1833 étaient inutiles, parce que la traite était réduite à de telles proportions, que les moyens ordinaires suffisaient parfaitement pour la réprimer. L’amendement, ainsi expliqué, fut voté, malgré les ministres, par une immense majorité. La discussion contribua autant que le vote à discréditer le traité qui en était le sujet, parce qu’on vit les cabinets qui s’étaient succédé au pouvoir en rejeter l’un sur l’autre la responsabilité. Enfin, le ministre des affaires étrangères, pressé de dire,