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était bien américain. On publia une correspondance entre le ministre des affaires étrangères d’Angleterre et le ministre des États-Unis à Londres, sur ce sujet. Le ministre anglais y soutenait que, sans cette vérification, la répression de la traite était impossible, et les traités entre les puissances complètement vains. Tout bâtiment négrier rencontré par les croiseurs, à quelque nation qu’il appartînt, arborerait le pavillon américain et se mettrait ainsi à l’abri de la visite. Les États-Unis ne pouvaient refuser aux cinq puissances unies pour la répression de la traite le moyen d’accomplir leurs vues bienfaisantes, quand ce moyen ne portait aucune atteinte à leurs droits. On promettait que, si le bâtiment était reconnu véritablement américain, il serait laissé libre de continuer sa route, fût-il chargé de noirs. Les notes du ministre anglais donnaient à entendre que, si les États-Unis, par une jalousie exagérée de l’inviolabilité de leur pavillon, ne consentaient pas à la vérification demandée, les puissances se passeraient de leur consentement et ne se laisseraient pas arrêter par un morceau d’étamine, dans l’accomplissement de la généreuse mission qu’elles s’étaient donnée. Le ministre américain répondait que le droit qu’on prétendait exercer, c’était encore le droit de visite sous une autre forme, puisqu’il ne pouvait s’exercer qu’en visitant le bâtiment, en examinant son équipage, et en fouillant dans ses papiers. On pouvait, sans doute, usurper le pavillon des États-Unis pour la traite des noirs comme pour la piraterie, mais ils se réservaient, dans un cas comme dans l’autre, de réprimer eux-mêmes cette usurpation en visitant les bâtimens qui en seraient soupçonnés. Ils ne pouvaient déléguer à personne le droit de s’immiscer dans la police de leur navigation, de vérifier les papiers de bord de leurs bâtimens et de décider de leur nationalité. On savait trop à quels excès les marins anglais, une fois sur le bâtiment et ayant la force en main, pouvaient se livrer. Que si la marine anglaise, soupçonnant un bâtiment de porter faussement le pavillon américain, le visitait, ce ne serait pas en vertu d’un droit à elle concédé, mais par exception et à ses risques et périls. Si l’évènement justifiait ses soupçons, elle serait justifiée ; mais, dans le cas contraire, elle serait responsable vis-à-vis des propriétaires du navire dont elle aurait lésé les intérêts et vis-à-vis du gouvernement américain dont elle aurait violé le pavillon. Cette responsabilité serait plus ou moins grande suivant la conduite qu’on aurait tenue à bord du navire et selon que les motifs qui auraient autorisé les soupçons seraient plus ou moins légitimes. Ces principes avaient suffi jusqu’alors pour assurer la répression de la