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REVUE. — CHRONIQUE.

quoi vouloir de gaieté de cœur enlever le plus utile de son temps à une session qui commence fort tard, et qui est chargée d’affaires importantes et de lois nécessairement longues et détaillées ? N’aurons-nous pas les fonds secrets, le budget, dix occasions pour une d’élever la question ministérielle ? Les conservateurs veulent assurer leur triomphe : soit ; le meilleur moyen de l’assurer, c’est de s’occuper promptement, sérieusement, avec un zèle actif et désintéressé, des affaires du pays.

Ces réflexions sont peut-être sévères. Elles ne manquent cependant pas de vérité. Nous ne sommes pas surpris que le débat laisse les esprits perplexes, et que les ministres eux-mêmes aient quelque peine à prendre un parti définitif. Probablement, ils voudront, avant de rien décider, consulter un grand nombre de leurs amis : c’est dans ce dessein sans doute qu’ils ont ajourné à quelques jours, au 4 janvier, cette grave décision.

Le ministère a préludé à la session par une mesure qui a été généralement accueillie avec faveur. Nous voulons parler de l’ordonnance royale sur les ministres d’état. Il y a là deux idées, deux résolutions parfaitement distinctes. D’un côté, on veut assurer l’avenir des hommes que la confiance du roi aurait appelés aux fonctions les plus éminentes ; de l’autre, la couronne nous apprend qu’elle songe à l’organisation d’un conseil privé. Les deux mesures nous paraissent irréprochables.

Il est conforme à l’esprit de notre temps, à la nature de nos institutions, que les fonctions ministérielles ne deviennent pas un privilége du rang et de la fortune : le roi doit être libre dans son choix, et comment le serait-il si, en enlevant un homme à sa carrière, à sa profession, à la place qu’il occupe, il devait ensuite le laisser tomber des hauteurs du ministère dans les misères d’une vie privée dépourvue du nécessaire ? Comment solliciter un dévouement si ruineux ? comment vouloir que ces hommes ne conservent pas une situation, modeste sans doute, mais digne ? Aussi, qu’est-il arrivé plus d’une fois ? On a eu recours à des moyens indirects ; on a tout sacrifié à l’équité. Ces expédiens ne sont pas heureux ; ils ne sont pas d’ailleurs applicables à tous les cas, et ne réalisent ainsi qu’une équité partielle. L’état doit offrir une situation convenable aux anciens ministres, et surtout à ceux qui, entrant aux conseils de la couronne, ont perdu une position qu’ils ne peuvent pas retrouver en quittant le ministère. Qu’on leur donne une pension et un titre, si l’on veut, de ministres d’état, de conseillers honoraires de la couronne, ou tel autre, peu importe ; rien de plus équitable, rien de plus facile. Lors même que la chambre consentirait à ne pas se montrer trop parcimonieuse, la dépense ne sera pas considérable.

De même nul ne saurait contester à la couronne le droit de s’éclairer des lumières, de s’entourer de l’influence d’un conseil privé. Il est inutile d’ajouter que l’organisation et la réunion de ce conseil, ainsi que la nature et la mesure des communications à lui faire, seront, comme tout autre acte politique, réglées par le concours des ministres responsables. On peut établir un conseil privé et le consulter comme on nomme et on consulte une commission