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TRAVAIL DES ENFANS DANS LES MINES.

heures du matin ; il se lève et se rend en toute hâte à la mine, emportant pour sa nourriture de la journée un morceau de pain et du café contenu dans une bouteille d’étain. Descendu dans les travaux, il s’achemine vers celle des galeries étroites et basses dont la garde lui est remise. Il prend sa place au fond d’une niche creusée dans la roche derrière la porte de cette galerie, qu’il doit ouvrir aussitôt qu’il entend le roulement du chariot d’un putter, et refermer dès qu’il a passé. Il demeure ainsi douze heures de suite dans l’iolement le plus complet, sans autre lumière que la clarté faible et vacillante de la chandelle placée devant les chariots des putters ; son mince salaire, qui varie de 15 à 20 sous, ne lui permet pas de s’acheter une chandelle. Malheur à lui s’il succombe à l’ennui et s’endort ! la main d’un deputy-overman, faisant la ronde, ne manquera pas de lui rappeler durement que le sort de la communauté repose sur lui. À quatre heures, le cri de liberté ! liberté ! (loose ! loose !) part du puits principal, et se répète rapidement dans les parties les plus éloignées de la mine ; mais le trapper n’est pas encore libre : il demeure à son poste jusqu’à ce qu’ait passé le dernier putter. Il remonte alors à la chaumière de sa famille, et, après une ablution indispensable et un pauvre dîner, il se hâte de se coucher.

Quoique la tâche confiée aux trappers mérite à peine le nom de travail, pourtant l’immobilité et la solitude auxquelles elle condamne ces pauvres enfans exercent nécessairement la plus funeste influence sur le développement de leur corps et de leur intelligence. Victimes de la pauvreté et de la cupidité de leurs parens, ils descendent dans les mines à l’âge le plus tendre. Dans le Yorkshire, il y a très peu d’enfans au-dessous de sept ans, mais dans le Derbyshire et le West-Riding du Yorkshire, on en voit un grand nombre de cinq à six ans. Dans la partie méridionale de la principauté de Galles, il n’est pas rare de rencontrer dans les mines des enfans de quatre à cinq ans. C’est principalement dans les mines de charbon de l’est de l’Écosse que l’on trouve le plus grand nombre d’enfans en bas âge[1].

Cependant le travail qui occupe le plus d’enfans des deux sexes, et qui est fréquemment accompagné des circonstances les plus odieuses, est celui des putters. Dans quelques houillères, les putters poussent leurs chariots sur des rails ; dans le Staffordshire, l’est de l’Écosse, une partie du Derbyshire et le [2]

  1. Dr Mitchell’s Evidence, p. 8. — M. Scriven’s Report, app., II, p. 65. — M. Frank’s Evidence, app., II, p. 513. — Dans les mines françaises, on se sert d’un système de portes tombant d’elles-mêmes, ce qui dispense d’employer de jeunes enfans au service abrutissant des trappers anglais.
  2. ries les plus détournées, et on y parvient aisément en fermant par des portes bien closes les voies directes que l’air prend le plus volontiers pour se rendre d’un puits à l’autre. Il paraît, d’après le rapport de la commission d’enquête, que, dans quelques mines du nord de l’Angleterre, la formation des gaz inflammables est si rapide et si incessante, qu’une de ces portes laissée imprudemment ouverte pendant quelques minutes suffirait pour déterminer une explosion.