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qui est relative à la constatation de l’âge des enfans. Il est impossible que les limites de 9, 13 et 18 ans, prescrites par la loi, puissent être bien observées. Les Anglais n’ont pas, comme nous, d’état civil ; ils ne peuvent, comme nous, exiger de l’enfant l’extrait de son acte de naissance, ni un livret délivré par le maire de sa commune, où toutes les circonstances de sa vie civile soient authentiquement inscrites : garantie précieuse, que l’admirable régularité de notre administration nous a mis à même de donner à l’observation d’un article important de notre loi sur le travail des enfans, et qui lui assure à cet égard une incontestable supériorité pratique sur la législation anglaise. En Angleterre, on n’a d’autre garantie de l’âge des enfans que le certificat d’un médecin qui ne peut se prononcer que sur des probabilités ; rien de plus incertain, assurément, que cette autorité. Vainement a-t-on voulu recourir aux registres de baptême tenus par le clergé : beaucoup d’enfans n’ont pas été baptisés ; pour un grand nombre d’autres que le déplacement de leurs familles a conduits loin du lieu de leur naissance, il eût été très difficile de se procurer l’extrait de baptême ; d’ailleurs, l’enfant présentant même un certificat du clergyman, rien ne prouve que ce certificat lui appartient réellement[1].

Pour prévenir les transgressions que doit nécessairement rencontrer une loi si difficile à appliquer dans sa rigueur, la commission de la chambre des communes a proposé, par l’organe de lord Ashley, d’en rendre les prescriptions encore plus restrictives. Elle demande que le travail des enfans au-dessous de 13 ans soit réduit à 6 heures par jour. Le travail de jour est fixé à 16 heures ; la commission trouve cette limite trop étendue, parce qu’elle permet aux fabricans de faire travailler quelquefois plus de 12 heures par jour les jeunes gens de la catégorie de 13 à 18 ans : elle voudrait la voir réduire de deux heures, et que le travail de jour fût compris entre 6 heures du matin et 8 heures du soir. Elle propose, en outre, d’étendre de 18 à 21 ans la limite d’âge de la catégorie qui ne doit pas travailler plus de 12 heures. Elle demande encore que l’on élève les pénalités, et que le nombre des surveillans soit augmenté. Enfin, l’acte de 1833 laissait en dehors des prescriptions les manufactures de soie et de tulle ; la commission termine son rapport en demandant qu’elles y soient comprises. Le ministère de lord Melbourne a présenté en 1841 un projet de loi spécial pour remplir cette dernière lacune : ce bill avait déjà subi favorablement les deux premières épreuves dans la chambre des communes ; mais à la fin de la session, en présence des grandes luttes où le sort de l’administration était engagé, lord John Russell en demanda l’ajournement.

Quant aux modifications plus restrictives que la commission a proposées, les hommes modérés de tous les partis sont loin d’en admettre l’urgence, et, dans la dernière session, sir James Graham, interrogé à ce sujet dans la chambre des communes, a répondu que l’administration n’avait pas l’inten-

  1. Report from the select committee, etc., 1841, p. 8 et 9.