Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/1091

Cette page a été validée par deux contributeurs.
1085
REVUE. — CHRONIQUE.

véritable de la majorité. Les paroles de M. de Carné n’en conservent pas moins toute leur vérité : « il faut que le gouvernement élargisse sa base, et qu’il surgisse un pouvoir en mesure de substituer un principe d’expansion au principe de concentration sur lequel s’asseoit de plus en plus le cabinet du 29 octobre. »

Si celui-ci a joui pendant quelques jours de l’enivrement de son triomphe, s’il a savouré l’innocente satisfaction d’enrôler dans les rangs de la phalange ministérielle tous les hommes qui ont mis des boules noires à l’amendement de M. Lacrosse par crainte des complications du lendemain, nous croyons que ces illusions commencent fort à se dissiper, et qu’on ne se voit pas sans inquiétude en présence de la prise en considération, déjà certaine, de la proposition de M. de Sade. L’attitude et la physionomie des bureaux dans leur séance d’hier ne permettent pas de douter qu’il ne sorte quelque chose de la proposition soumise à la chambre. C’est une revanche que la majorité entend prendre du vote des fonds secrets : puisse-t-elle ne pas le faire aux dépens de la dignité de l’administration et de nos institutions elles-mêmes !

Que sera-ce lorsque, avec cette majorité accidentelle et despotique qui s’impose au cabinet avec toute la tyrannie de ses exigences individuelles ou locales, il faudra aborder la loi des sucres, et défendre le budget, sur lequel l’opposition se propose, dit-on, d’organiser une campagne complète, en s’appuyant sur l’argument péremptoire d’un déficit en pleine paix pour rejeter toutes les augmentations réclamées ? Viennent des révélations de Londres sur le traité de commerce dont les bases paraissent convenues, des complications en Espagne sur l’affaire de M. de Lesseps, des interpellations sur les négociations politiques et commerciales, et l’on verra si la majorité relative de vingt-deux voix, que MM. Passy et Dufaure ont donnée au cabinet le jour même où ils s’en sont séparés, suffira pour lui permettre de vivre et de gouverner. Nous désirons nous tromper, mais l’avenir nous apparaît plein de contradictions, d’incertitudes et de faiblesses.


— La librairie, comme toutes les choses de ce monde, a d’inexplicables mystères ; il en est des livres comme des hommes, et les plus heureux ne sont pas toujours les plus méritans. La preuve en est qu’on réimprime M. Capefigue. L’Histoire de la Réforme et de la Ligue vient de paraître, et c’est la troisième édition, dans un format nouveau, qui la met à la portée des plus humbles fortunes. Nous signalons cette réimpression parce qu’elle révèle un mode inconnu de perfectionnement inventé par l’auteur pour les éditions nouvelles des livres d’érudition. On avait reproché à M. Capefigue d’avoir souvent, dans ses notes, cité avec inexactitude ; au lieu de répondre à ce reproche par une correction sévère, M. Capefigue a trouvé plus simple de faire disparaître les notes. Il avait procédé jusqu’ici comme les bénédictins ; il prend