Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/1086

Cette page a été validée par deux contributeurs.
1080
REVUE DES DEUX MONDES.

« Presque toujours cette instruction attire à elle les enfans que distinguent d’heureuses dispositions ; elle est souvent aussi la seule fortune qu’un homme qui a servi long-temps l’état, qu’un officier parvenu lentement aux grades les plus honorables laisse aux héritiers de son nom. Elle est, dans notre société si favorable à l’égalité des droits, la base même de cette égalité, par la concurrence qu’elle prépare et renouvelle sans cesse, entre le mérite pouvant s’élever à tout, et la fortune obligée de se recommander elle-même par le travail et le savoir. Par cela même aussi, l’instruction secondaire ne peut, dans sa plus grande diffusion, recevoir jamais qu’une application limitée aux intérêts publics, au recrutement de tous les services de l’état, de tous les travaux de la science, et de tant d’entreprises importantes, où se montrent toujours avec avantage les hommes qui réunissent des connaissances spéculatives et variées à l’activité de l’esprit pratique.

« L’instruction secondaire ne sera donc jamais réalisée que dans un cercle restreint, quoique mobile et croissant ; mais ce qui importe, c’est que cette instruction se maintienne et s’étende dans une juste proportion selon les besoins du pays, c’est enfin que les moyens et les résultats en soient exactement connus et puissent être, à toutes les époques, facilement appréciés par le gouvernement et par le public. »

Qui ne croirait, à entendre certaines déclamations, que la société va périr chez nous par excès d’instruction ! que nous n’aurons bientôt plus que des docteurs, des licenciés, des bacheliers, et que nous chercherons en vain un cordonnier et un tailleur ! Lisez donc le rapport. Il y avait plus de jeunes gens voués aux études classiques avant 1789 qu’aujourd’hui. M. Villemain en déduit les raisons. « Cette différence s’explique facilement par les changemens mêmes de la société, la place moins grande faite à la vie de loisir et d’étude, la tendance beaucoup plus générale vers les professions industrielles et commerçantes.

« Ajoutons à ces causes diverses tous les moyens de gratuité qui existaient avant 1789 pour l’instruction classique, de telle sorte que cette instruction, alors plus recherchée par le goût et l’habitude des classes riches, était en même temps plus accessible aux classes moyennes ou pauvres. Alors on s’étonnera que la différence entre les résultats des deux époques ne soit pas plus considérable au préjudice de la nôtre, et, en reconnaissant que l’instruction secondaire est bien loin de former trop d’élèves aujourd’hui, qu’elle ne fait que suffire aux besoins d’une société régulière et forte, on avouera que, pour atteindre ce but dans des conditions moins favorables qu’autrefois, il a fallu l’action salutaire de l’Université.

« En effet, autrefois, tout dans les traditions et les mœurs secondait l’instruction classique ; tout était préparé pour elle et la favorisait, le nombre des bourses et des secours de toute nature, la fréquentation gratuite d’une foule d’établissemens, l’extrême modicité des frais dans tous les autres. Ainsi, dans les 562 colléges qui existaient vers le milieu du dernier siècle, il y avait 525 bourses affectées aux jeunes aspirans à l’état ecclésiastique, 2,724 bourses