Et je m’étonne encor qu’on n’ait pas entendu,
Au bruit de l’ouragan courbant les branches d’arbre,
Sur le pavé fatal venir mes pieds de marbre.
Il est impossible de lire de tels vers sans se rappeler les chœurs d’Eschyle. Citons encore un morceau de facture eschyléenne. C’est le passage où Guanhumara voue Fosco, son vieil ennemi, au poignard d’Otbert ; on croit entendre comme un écho du fameux Serment des sept chefs :
… Ô vastes cieux ! ô profondeurs sacrées !
Morne sérénité des voûtes azurées !
Ô nuit dont la tristesse a tant de majesté !
Toi qu’en mon long exil je n’ai jamais quitté,
Vieil anneau de ma chaîne, ô compagnon fidèle !
Je vous prends à témoin ! et vous, murs, citadelle,
Chênes qui versez l’ombre aux pas du voyageur,
Vous m’entendez ! Je voue à ce couteau vengeur
Fosco, baron des bois, des rochers et des plaines,
Sombre comme toi, nuit, vieux comme vous, grands chênes !
Cependant le jeune Otbert ignorait que ce Fosco qu’il doit tuer fût son maître et son bienfaiteur, encore moins pensait-il que ce fût son père. Les scènes dans le caveau perdu, où le parricide est près de s’accomplir, sont d’un effet pénible ; cela ressemble trop au 24 Février de Werner. Au moment où le fer du jeune homme se lève sur le vieillard, Barberousse paraît, arrête la main d’Otbert, et montre à Job étonné Donato son frère vivant et qu’il peut cesser de pleurer. — Après ce dernier effort, la grande figure de Barberousse, demi-vivante, demi-morte, contente de ce qu’elle a fait pour sa famille et pour l’empire, rentre dans sa nuit et se recouche dans son mystérieux tombeau.
Après les citations et les remarques qui précèdent, il nous reste peu de chose à dire sur les beautés et les défauts de cet ouvrage. Deux mots seulement.
Cette œuvre, grande par la pensée, sévère par l’exécution, attachante mais trop compliquée par la fable, nous paraît ce que M. Hugo a tenté jusqu’ici sur la scène de plus grave et de plus élevé. Il y a incontestablement progrès dans l’inspiration, progrès dans l’expression. Si, en employant le mot impropre de trilogie pour désigner simplement une pièce en trois actes, le poète n’a voulu par là qu’indiquer la volonté nouvelle chez lui de se rapprocher du drame an-