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LES BRUGRAVES.

Car l’ame aime toujours parce qu’elle est divine,

sur une jeune orpheline, Regina, comtesse du Rhin, sa nièce, fiancée sans amour au jeune burgrave Hatto, et sur un jeune archer de sa garde, Otbert, dont les vingt ans lui rappellent un fils de sa vieillesse qu’une femme étrangère a enlevé. Souvent réunis aux côtés du vieillard, Otbert et Regina se sont connus, puis aimés. Les scènes où cet amour s’exprime sont les plus charmantes et les plus gracieuses de l’ouvrage. Le timbre de ces deux jeunes voix amoureuses rappelle et peut-être égale en douceur les soupirs des deux amans de Rimini.

REGINA.

Que suis-je ? une orpheline, et vous, un orphelin ;
Le ciel, nous unissant par nos douleurs communes,
Eût pu faire un bonheur de nos deux infortunes ; Mais…

OTBERT à ses genoux,

Mais je t’aimerai, mais je t’adorerai,
Mais je te servirai ; si tu meurs, je mourrai ;
Mais je tuerai Hatto, s’il ose te déplaire ;
Mais je remplacerai, moi, ton père et ta mère ;
Oui, tous les deux, j’en prends l’engagement sans peur :
Ton père, j’ai mon bras; ta mère, j’ai mon cœur.

REGINA.

Ô doux ami, merci !…

Et ce passage :

Je ne vous aime pas ! — Regina, dis au prêtre
Qu’il n’aime pas son Dieu ; dis au Toscan sans maître,
Qu’il n’aime point sa ville ; au marin sur la mer
Qu’il n’aime point l’aurore après les nuits d’hiver.
Va trouver sur son banc le forçat las de vivre,
Dis-lui qu’il n’aime pas la main qui le délivre,
Mais ne me dis jamais que je ne t’aime pas.
Car vous êtes pour moi, dans l’ombre où vont mes pas,
Dans l’entrave où mon pied se sent pris en arrière,
Plus que la délivrance et plus que la lumière.
Je suis à vous sans terme, à vous éperdument…
Et vous le savez bien… Oh ! les femmes vraiment