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THÉÂTRE-FRANÇAIS.

LES BURGRAVES,
TRILOGIE.
PAR M. VICTOR HUGO.

Jamais grand peuple n’abdiqua volontiers une grande gloire quand, depuis deux siècles, une nation possède, comme la nôtre, un théâtre supérieur à celui de Rome, presque l’égal de celui d’Athènes, et qu’elle sent cette source de poétiques jouissances près de tarir et de lui échapper, elle ne se résigne pas à cette perte. Tout ce qu’il y a chez elle d’esprits d’élite s’émeut et s’inquiète ; on cherche la cause du mal, on propose des expédiens, on se met en quête de remèdes. C’est qu’il ne suffit pas, en effet, pour qu’un art existe, de pouvoir montrer aux curieux, de temps à autres, une série de chefs-d’œuvre séculaires ; il faut qu’à côté d’eux, sinon au-dessus, viennent incessamment s’ajouter de nouveaux et vivans chefs-d’œuvre. Il en est comme d’une noble race, qui n’est pas réputée durer parce qu’on voit luire aux murs d’une galerie les images et les blasons de ses aïeux. Il faut encore un héritier et des rejetons à la vieille souche. Aussi, dans les dernières années de la restauration, l’épuisement et