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taux disponibles sur le marché. Si l’on tient compte de la différence des habitudes, de l’inégalité de richesse, et de la modération relative de notre dette fondée, on trouvera que, lorsque l’Angleterre emprunte 700 millions sur les bons émis par l’Échiquier, c’est assez pour la France de porter sa dette flottante à 350 ou à 400 millions.

Il s’en faut de beaucoup que l’administration renferme aujourd’hui dans ces limites les obligations à terme du trésor. Notre dette flottante, qui était au 1er janvier 1841 de 365,890,367 fr., s’élevait déjà à 49,920,829 fr. le 1er janvier 1842. M. Lacave-Laplagne demande, pour 1844, l’autorisation de la porter à 476 millions ; et, en supposant que la dette flottante continue à faire le service des découverts, il y aura nécessité de l’étendre en 1845 jusqu’à 550 ou 560 millions.

Voilà ce qui nous paraît un danger réel dans la situation. Un gouvernement perd la liberté de se mouvoir au dedans comme au dehors, quand il a tendu à ce point tous les ressorts du crédit. C’est un débiteur qui se voit incessamment sous le coup d’une contrainte par corps. Dans quelle entreprise en effet oserait-il s’aventurer, sachant que ses créanciers peuvent, d’un moment à l’autre, lui demander le remboursement de sommes qui s’élèvent à 400 ou 500 millions, pendant que sa réserve en espèces n’excède pas habituellement 80 à 100 millions ?

Le péril s’aggrave d’ailleurs en ce que la dette flottante, qui était dans l’origine une dette à terme, perd insensiblement ce caractère pour se transformer en une dette à vue. Au lieu de se composer uniquement des avances des receveurs-généraux et des capitaux prêtés sur des bons du trésor à échéance de trois, six, neuf mois et même d’un an, elle est assise déjà pour moitié sur des comptes courans et sur des dépôts dont la somme peut varier du jour au lendemain, au gré ou selon les besoins des déposans.

Au 1er janvier 1830[1], la dette flottante s’élevait à 270 millions. Elle représentait les fonds déposés par les communes pour 65,874,000 fr. ; les dépôts de diverses administrations spéciales et établissemens publics, pour 28,325,000 francs ; les avances des comptables, pour 32,437,000 francs, et enfin les engagemens à terme du trésor, pour 143,551,000 fr. Ainsi, en 1830, les avances des comptables et les prêts à terme, la partie solide de la dette flottante, y figuraient pour 176 millions sur 270, soit 65 pour 100, tandis que les comptes cou-

  1. Voir le rapport de M. de Chabrol sur l’administration des finances.