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liard si l’on veut, aux charges de l’état. Notez bien qu’en inventant une dépense aussi excessive, le ministère s’était bien gardé de créer des ressources dont l’étendue répondît à ces nouveaux besoins. Sur l’emprunt de 450 millions autorisé par les chambres et hypothéqué aux travaux votés en 1841, 150 millions seulement ont été réalisés, et le reste est encore à trouver. Les réserves de l’amortissement sont engagées pour plusieurs années. La dette flottante, déjà chargée des découverts antérieurs à 1840, doit suppléer à l’insuffisance des moyens ordinaires. Voilà cependant l’instrument à l’aide duquel on s’est flatté de battre monnaie pour l’exécution des chemins de fer ! C’est la dette flottante, une dette exigible, une dette à échéance fixe, qui va supporter le budget tout entier de l’extraordinaire. On s’expose ainsi à suspendre les paiemens du trésor, à la première crise. Après avoir exagéré en plus, on exagère en moins. En deux ans, on a passé du système de la peur au système des illusions. Ils sont l’un et l’autre également en dehors de la vérité ; toutefois le second a plus de dangers que le premier, et il est plus près de l’abîme où la fortune publique peut s’engloutir.

Mais laissons là le programme ministériel, avec ses variantes et ses exagérations. Nous ne sommes plus, comme en 1840 et en 1841, sur le terrain des probabilités. Une expérience de deux années a mis toutes les théories à l’épreuve ; nous touchons à l’ère des faits accomplis. Le moment est donc favorable pour reconstruire sur des données désormais positives, sans faiblesse comme sans présomption, le bilan de notre situation financière, et pour embrasser dans un exposé fidèle les charges ainsi que les ressources de l’état.

M. le ministre des finances vient de présenter aux chambres le budget de 1844. Les propositions de M. Laplagne font ressortir les dépenses pour cet exercice, l’ordinaire et l’extraordinaire compris, à 1404 millions, et les recettes, en ajoutant au revenu 80 millions pris sur l’emprunt, à 1327 millions. L’excédant prévu des dépenses sur les recettes est donc de 77 millions ; nous n’exagérons pas en supposant que les supplémens de crédit, qui soldent le contingent de l’imprévu, porteront le déficit tant ordinaire qu’extraordinaire de l’exercice à 100 millions de francs.

Avant d’entrer plus avant dans l’examen de cette situation, il convient de se rendre compte des charges que les exercices antérieurs peuvent avoir léguées au trésor, et des ressources qui restent disponibles pour y pourvoir. Cette revue, quelque peu rétrospective, nous sera facile, grace à la méthode et à la clarté que l’administration des