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LA BELGIQUE.

don futur de la nationalité la condition absolue de cette faveur. On nous demandera quel profit trouverait sa politique dans le cas où elle adopterait le premier parti. Nous pensons qu’elle recueillerait plus tard amplement la récompense de sa générosité ; il nous semble qu’un peuple frère, allié intime de la France et servant d’avant-garde à la révolution, vaudrait mieux cent fois aux heures du péril commun que neuf départemens où il faudrait commencer par tarir toute force et toute sève patriotiques avant d’y transfuser le sang d’une autre nationalité. La Belgique, confiante dans la parole de la France, satisfaite de vivre de sa vie intérieure, s’apaiserait tout d’un coup ; ses défiances et ses craintes, qui partent d’une susceptibilité exagérée peut-être, s’effaceraient à l’instant même ; l’union des intérêts matériels serait accueillie par elle avec un enthousiasme sans mélange, et il s’établirait dès ce jour entre la nation souveraine par la puissance et par les idées, et le petit peuple volontairement placé sous son noble protectorat, des relations de voisinage, une solidarité d’avenir, une affinité sociale bien plus profitables pour tous deux qu’une absorption déguisée, ou consacrée un moment par la force qui consacre tout.

Quant à la seconde question que présente l’avenir de l’état belge, à savoir les chances qu’il a de survivre à une guerre européenne, celle-là dépend entièrement de la France. Si une conflagration universelle éclatait, tout porte à croire que les autres puissances qui ont contribué à fonder ce royaume le conserveraient, parce qu’il est la dernière des combinaisons possibles en dehors d’une réunion redoutée, et qu’elles espéreraient toujours de le retourner contre leur grand adversaire. Mais son intérêt immédiat, à défaut de tout autre motif, interdirait à la Belgique de tremper dans une ingratitude dont elle serait la première victime. Sa ligne de conduite au milieu d’une semblable crise lui est tracée par sa faiblesse. Respectée, elle ne fournirait aucun prétexte d’invasion à ses ambitieux voisins. Spectatrice d’un combat auquel la prudence lui défendrait de se mêler, elle ne prendrait parti sans doute que si le principe même des révolutions d’où elle est sortie était mis en péril. Attaquée chez elle, elle opposerait à ses agresseurs un rempart d’opinion que la civilisation protége, que la France la première, à raison des nobles principes dont elle est l’apôtre, est tenue de reconnaître, le rempart de sa nationalité. Plus il s’écoulera de temps avant que la paix européenne ne soit troublée, plus cette nationalité se développera et prendra de