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Quint, bien moins favorable que celui de la maison de Bourgogne à l’expansion de la nationalité flamande, une école de transition s’élève où l’imitation de Raphaël domine, et qui va au travers des troubles de la réforme, pendant lesquels l’art subit une sorte d’éclipse, depuis Bernard Van-Orley, l’un des meilleurs élèves flamands de Sanzio jusqu’à Otto Vénius, le maître de Rubens. Puis ces troubles s’apaisent, l’Espagne promet une sorte d’indépendance à la Belgique pacifiée ; aussitôt le grand Pierre-Paul paraît, et avec lui Van-Dyck, Jordaens, Crayer, Téniers et toute la pléïade brillante de ses contemporains dont il serait superflu de redire les noms. Mais dès que s’est évanouie la lueur de liberté dont l’administration trop courte des archiducs avait flatté l’espoir du peuple belge, toutes ces constellations s’éteignent à la fois. Ainsi l’art s’élève et s’abaisse avec les chances heureuses ou contraires d’une nationalité incertaine, et lorsque le traité d’Utrecht semble avoir comprimé l’une sans retour, l’autre meurt tout-à-fait pour ne renaître qu’un grand siècle plus tard, avec elle, et la veille de sa révolution ; et dernière particularité, qui caractérise bien le patient amour des Belges pour leurs traditions, c’est précisément à Anvers, dans la ville où brilla Rubens, sous le regard pour ainsi dire de cette grande ombre, que l’école s’est reformée. Elle a fait de cette pittoresque cité la Mecque de la peinture flamande ; c’est là que les disciples vont terminer leurs études, c’est de là qu’ils retournent répandre dans leurs provinces le culte d’un art redevenu une seconde religion pour le pays tout entier. N’oublions pas de constater que la sculpture ou plutôt la statuaire a vu apparaître vers la même époque des artistes dignes de recueillir l’héritage de Duquesnoy. Parmi eux, MM. Guillaume Geefs, Joseph son frère, et Simonis, brillent au premier rang.

Si nous voulions rassembler en un seul faisceau toutes les preuves du mouvement extraordinaire qui s’est manifesté dans toutes les régions de l’art belge, nous citerions avec plus de détails l’intelligente restauration des monumens du passé, les effigies des grands hommes dressées dans leurs villes natales ; nous parlerions du réveil d’un autre art national qui revendique le beau nom de Grétry : car, pour n’insister sur ce point qu’en passant, n’est-il pas au moins très remarquable qu’un pays d’une aussi médiocre étendue ait produit à lui seul, en dix années, plus d’instrumentistes célèbres que tout le reste de l’Europe Les noms si connus de Batta, Vieuxtemps, Hauman, Servais, datent tous, en effet, de la même époque.

La littérature n’a pas suivi, elle ne pouvait suivre cet élan rapide.