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LA BELGIQUE.

se rouvrirent ; parmi les élèves qui s’y formaient, l’instinct rebuté d’un seul, en s’égarant à l’aventure, pouvait retrouver les anciennes traces et déterminer une heureuse réaction. C’est ce qui arriva : une toile exposée au salon de Bruxelles en 1829 par un jeune homme inconnu, M. Gustaf Wappers, produisit une sensation extraordinaire. Sans avoir consulté personne, n’écoutant que sa passion pour le dernier maître qui eût glorifié le génie national, et fuyant la poétique aride qui subjuguait encore les disciples de l’exilé, il était retourné à Rubens, avait retrempé son pinceau dans les véritables sources du coloris, et, par le Bourgmestre de Leyde, fruit de cette silencieuse inspiration, il venait de prendre date. Ainsi fut renouée la continuité de l’art flamand, interrompue depuis plus d’un siècle, et cet instant fut si décisif, la témérité de M. Wappers fut si bien une révélation, qu’en moins de trois ans des peintres d’un mérite aujourd’hui considérable avaient paru en foule et constitué la nouvelle école belge, l’une des plus fécondes qu’il y ait à présent en Europe. Nous citerons parmi les noms qu’elle compte, outre M. Wappers, dans le genre historique, MM. Gallait et de Keyzer, dans le genre proprement dit MM. Leys, de Block, dans la peinture des bestiaux M. Verboeckhoven etc.

Ce qu’il y a de vraiment remarquable, pour rentrer plus particulièrement dans notre sujet, c’est que cette coïncidence du réveil de l’art et de la nationalité belge répète un fait qui s’était reproduit déjà dans des temps bien antérieurs. La peinture moderne, née avec l’architecture chrétienne, en a suivi de près toutes les transformations. Or, les deux peuples qui jouissaient d’une certaine indépendance et d’une liberté relative au milieu de la servitude du moyen-âge, les Italiens et les Flamands, sont précisément ceux qui, les premiers et les derniers dans la période catholique, ont cultivé avec le plus de succès ces deux branches de l’art. Au XIVe siècle, époque de la splendeur des communes belges, en même temps que les architectes achevaient de bâtir les cathédrales, les beffrois et les hôtels-de-ville, une école de peinture déjà nombreuse préludait à l’âge d’or dont Philippe-le-Bon fut le Périclès et qu’illustrèrent Jean Van-Eyck, l’inventeur de la peinture à l’huile (plus connu en France sous le nom de Jean de Bruges), Hubert Van-Eyck, son frère, et le suave Memling, lequel est aux deux premiers ce que le Pérugin est à Giotto et à Cimabuë. Leur école embrasse toute la phase gothique de l’art et se prolonge en Allemagne par Albert Dürer, qui en dérive évidemment, jusque dans les premières années du XVIe siècle. Sous le règne de Charles-