trine, et recouvre une culotte courte orientale, pour coiffure le fez rouge entouré d’un épais mouchoir qui rappelle le turban et dessine une physionomie toujours énergique, parfois remarquablement belle, tel est le costume du Tsernogortse, le chevalier gréco-slave.
Il n’est point impossible qu’un jour le Tsernogore, s’il parvient à s’emparer d’un port de mer et à opérer la réunion des Albanais à la race serbe, ne devienne un des principaux foyers politiques de la grande péninsule. Il importe donc de connaître le pays qu’habite un peuple animé d’une ambition si active. Deux routes bien différentes conduisent le voyageur dans la montagne Noire : si vous venez de Kataro et de l’Occident, vous ne rencontrerez que le désert, traversé de précipices où roulent les pierres que détache chacun de vos pas, et au bord desquels se penche quelque chèvre décharnée pour saisir les rares graminées suspendues aux roches grisâtres, le désert, où tout est lugubre, excepté l’homme qui vous sourit dans sa misère, confiant et bon parce qu’il est libre. Si au contraire vous venez de Novi-Bazar et de l’Orient, vous entrez dans le Tsernogore à travers les plus ravissans paysages, par des vallées que fécondent mille ruisseaux et que dominent de superbes forêts. Par quelque point du reste qu’on aborde la montagne, on peut y voyager, la nuit comme le jour, avec moins de danger que dans certains pays civilisés de L’Europe, à la condition expresse toutefois d’être accompagné d’un indigène. Ne fût-il conduit que par une femme, le voyageur peut marcher sans crainte ; il n’en sera même que mieux défendu contre l’attaque des haïdouks, à cause du respect porté au sexe faible par ces chevaliers de l’Orient. Aussi arrive-t-il souvent que les étrangers se trouvent subitement remis par leur guide aux mains de quelque belle parente qui doit les escorter jusqu’à un endroit convenu. Stieglits, auteur allemand d’une relation de voyage au Monténégro[1], reçut ainsi pour conductrice, il y a quelques années, une jeune cousine du vladika.
La montagne Noire est, comme toute terre orientale, tellement identifiée avec ses habitans, qu’elle ne porte pas d’autres noms que ceux des plèmes ou tribus maîtresses de ses différens plateaux ; si ces tribus disparaissaient, on ne saurait plus comment désigner les lieux qu’elles auraient évacués, et le pays redeviendrait, comme avant l’apparition des ouskoks[2], un vaste désert sans nom. Autrefois com-