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mens d’un grand succès ? Si l’on faisait de la réussite dans les arts une question absolue de latitude et de climat, nous répondrions négativement ; mais cette influence du climat, les Hollandais l’ont fait mentir. Malgré leurs brouillards et en dépit du tempérament phlegmatique des individus, ils ont eu de grands peintres, complets et originaux dans leur genre. Pourquoi l’Angleterre contemporaine n’en aurait-elle pas qui puissent rivaliser avec eux plus victorieusement encore que les Reynolds, les West, et même Wilkie, Martin, Turner et Lawrence ?

Par leurs mœurs sérieuses et prudentes, par leur apparence de force et de santé, par la prédominance du tempérament athlétique chez le plus grand nombre des individus, d’où provient sans doute ce reste de respect pour la force physique que l’on rencontre même dans les classes supérieures de la société, les Anglais sont plus près que nous de la nature et du beau idéal, tel que le comprenaient les anciens. La physionomie du peuple manque, sans doute, de cette expression pleine de finesse et de vivacité, j’ajouterai presque d’intelligence extérieure, qui distingue leurs voisins du continent, que quelques degrés seulement rapprochent du sud, et qui caractérise si nettement les peuples de l’Italie. En revanche on rencontre chez eux, à chaque pas, des femmes qui, par leur air de grandeur et d’énergie calme, rappellent la Niobé ou la Pallas de Velletri ; des jeunes gens qui, par leur puissante stature, l’expression régulière et douce de leurs traits, nous font penser au Méléagre. En Angleterre, la beauté des adolescens a quelque chose d’inimaginable et presque de surnaturel. La pureté angélique des contours de leurs visages, la régularité de leurs traits, l’éclat éblouissant de leur teint que, grace à l’admirable transparence de la peau, une rougeur vraiment divine colore à la moindre émotion, l’expression de candeur et d’innocence de leurs beaux yeux bleus que voilent de longs cils recourbés, toutes ces perfections de détail, concourant au plus gracieux ensemble, sont pour l’étranger surpris autant de sujets d’admiration. Que l’apparence de la méditation, ou, si l’on aime mieux, cet air pensif commun aux enfans du Nord, se combine avec ces élémens de beauté singulière, et l’on arrive à une sorte de perfection idéale que le fameux portrait de sir Thomas Lawrence, le jeune Lambton, ne nous révéla qu’imparfaitement il y a quinze ans. Cette rare perfection de la forme n’est-elle pas une des conditions les plus favorables au développement de l’art véritable, dont elle sert si puissamment les inspirations ? Il nous semble qu’elle doit singulièrement favoriser la