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LES ARTS EN ANGLETERRE.

Comme chez les artistes de l’école française du XVIIIe siècle, artistes si singulièrement exaltés par Diderot, qui prêtait à leurs fades conceptions l’éclat de sa brillante imagination, les demi-dieux et les héros de Barry sont tout-à-fait de fantaisie, souvent même tout-à-fait anglais. Ses prétendus sauvages ont ramé sur la Tamise ou boxé dans le Strand, ses blonds coureurs ont chevauché à Hay-Market et à Epsom, et ses déesses à la taille svelte, aux yeux bleus et au long col, sont les sœurs puinées d’Édith au col de cigne. À part quelques attributs et quelques ajustemens d’une vérité plus ou moins contestable, l’intelligence de l’art grec et de l’antique paraît tout-à-fait manquer à l’auteur de ces vastes machines, où tout semble composé ou exécuté de convention, d’après des modèles choisis au hasard dans le monde où il vivait. La science et l’éclat du coloris, l’adresse de l’exécution, ne rachètent pas ce que l’ensemble a d’incomplet et de faux. La fougue splendide d’un Rubens, l’éblouissante richesse d’un Paul Véronèse, peuvent seules rendre tolérables ces anachronismes et cette absence d’études. M. Barry est loin de rappeler Rubens ou Paul Véronèse ; il paraît tout aussi étranger à l’abstraction et à la rigueur allemandes ; son œuvre, en un mot, nous semble inspirée par cette vague et confuse imitation de l’antiquité que les Cignani et les Batoni importèrent du théâtre dans leurs ateliers et qui signale la décadence de l’école italienne.

Il y aurait une curieuse comparaison à établir entre ces peintures de Barry et la grande composition dont M. Paul Delaroche a décoré naguère l’hémicycle de l’École des Beaux-Arts. Mettant à part tout vain amour-propre national, nous devrons toutefois reconnaître que la comparaison serait tout à l’avantage de l’artiste français. La clarté, l’élégance, la convenance et la précision, ces qualités de l’école française, se rencontrent à un degré éminent dans le tableau de M. Delaroche, représentant assez fidèle du génie de cette école sous ses faces les plus populaires. M. Barry n’a pas même ce genre de mérite. L’école anglaise de son temps était vouée à l’imitation et manquait d’un caractère qui lui fût propre. Les peintures de M. Barry se ressentent de ces tendances indécises ; elles n’ont ni originalité ni accent. La distinction, qui ne remplace pas le génie, mais qui du moins classe une œuvre, la distinction, qui plus encore qu’une contestable originalité a placé si haut l’école allemande contemporaine, ne relève pas chez lui, comme chez tels peintres de Munich ou de Dusseldorf, l’impropriété des types, la fadeur des allégories, l’obscurité des symboles.