Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 32.djvu/864

Cette page a été validée par deux contributeurs.
860
REVUE DES DEUX MONDES.

comme elles. Ainsi, depuis trois ans, au milieu d’incessantes fatigues et des travaux les plus périlleux, conçoit-on que sa voix ait pu gagner en étendue, en force, dans les notes hautes surtout, qui sortent aujourd’hui plus éclatantes et plus belles que jamais, et cela, chose étrange, sans avoir rien perdu de sa souplesse naturelle, de cet art singulier de nuancer qu’elle possède sans rivale ? Or, tandis que la belle Semiramide s’avançait dans sa gloire, que faisait le temps de la voix d’Arsace, de ce riche contralto que les amis de Pauline Garcia préconisèrent jadis avec un zèle si funeste à l’avenir de la jeune cantatrice ? Hélas ! le temps et les efforts ont tout dénaturé ; le contralto n’existe plus, et cette voix, cherchée en dehors de ses conditions, détournée de son vrai principe, n’a désormais d’autre ressource, pour qu’on l’entende, que de s’échapper, en dépit des exigences de la musique, dans les régions du soprano et de s’y marier à la voix de la Grisi, qui la soutient et lui prête assistance. Il ne nous appartient pas de dire ce qu’aurait pu devenir avec un développement moins prématuré le talent de Pauline Garcia. Le fait est que ce talent qui s’annonçait, il y a quelques années, d’une assez éclatante façon, nous revient aujourd’hui languissant, presque étiolé. Lorsque Pauline Garcia parut pour la première fois, on applaudit en elle de riches espérances ; on sentait que, l’étude et la nature aidant, il y avait là l’étoffe d’une grande cantatrice. Seulement les gens qu’un fanatisme insensé n’aveuglait pas, blâmèrent l’exploitation hâtive de qualités encore en germe, et redoutèrent les terribles épreuves du théâtre pour cette voix adolescente, si délicate et si fragile en ses semblans de force. Ce qu’on pouvait craindre dès cette époque ne s’est malheureusement que trop réalisé. Entre la période d’avénement et la période de déclin il n’y a point eu de transition. Alors ce n’était pas encore, aujourd’hui ce n’est déjà plus. Nous nous souvenons d’une enfant magnifiquement douée, fille de Garcia, sœur de la Malibran, héritière de toute une race de héros qui devaient revivre en elle ; mais voilà tout. Entre les promesses d’hier et la décadence d’aujourd’hui que s’est-il passé ? Quand ces riches dispositions se sont-elles développées ? où ce talent a-t-il porté ses fruits ? Je l’ignore, à moins que ce ne soit dans l’intimité d’un petit cercle d’amis qu’on voit se transformer en public aux jours solennels des débuts et des rentrées. — Le jeu et la pantomime de Mme Viardot se ressentent d’une certaine exagération romantique qui n’est plus guère de mise en ce temps-ci. Dans Cenerentola, par exemple, tous ses soins, toute son application se portent à rendre minutieusement, avec une complaisance étudiée, le côté mesquin et frileux du rôle que la Sontag, au contraire, déguisait à force de gentillesse et d’ingénuité. Quant à ses élans chevaleresques dans Arsace, je doute qu’ils fassent rêver personne, comme l’affirmait très sérieusement un estimable critique. Sourire, peut-être ; mais rêver ! Dans le duo avec Assur, lorsque le satrape assyrien interroge sur ses prétentions au cœur d’Azéma le fils de Ninus, qui finit par lui répondre brusquement : So che l’adoro, e basta ! l’expression que la cantatrice donne à ces paroles, qu’elle dit d’un petit air mutin en