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de nos princes et de nos souverains, cent cinquante volumes d’autographes de différentes célébrités, un volume des lettres de Maurice à Henri IV, et plusieurs lettres de différens ministres et ambassadeurs de France. Parmi les manuscrits, on m’a montré une feuille de papier sur laquelle Louis XIV a écrit six fois de suite, en grosses lettres péniblement formées : « L’hommage est dû aux rois ; ils font tout ce qui leur plaît. » C’était là le sage axiome que son maître lui donnait à copier comme modèle d’écriture.

Je n’examinai que rapidement les manuscrits classiques grecs et latins décrits d’ailleurs très exactement par M. Adelung. Les ouvrages qui rappellent un de nos noms chéris ou une page de nos annales m’arrêtèrent plus long-temps. Je remarquai dans le nombre un petit volume renfermant les prières et psaumes en français, imprimé en lettres rapportées par Mme Élisabeth pendant les longs jours de deuil et d’angoisses que la malheureuse princesse a passés en prison.

Cette bibliothèque possède un autre monument de douleur d’une femme qui n’avait pas les mêmes vertus et qui ne mérite pas la même admiration, mais dont le nom éveille toujours, en dépit de ceux qui ont essayé de le noircir, une tendre sympathie, et dont l’image nous apparaît, à travers le voile du temps, entourée d’une auréole de grace et de beauté. C’est un livre d’Heures de Marie Stuart. La pauvre femme l’a porté en Écosse et en Angleterre, et l’a lu souvent, on le voit, avec de profanes distractions. Les versets austères des psaumes, les exhortations évangéliques tracées sur les pages de ce livre, les guirlandes de fleurs, les miniatures religieuses qui les entourent, ne détournaient point ses yeux et sa pensée des images mondaines. En essayant de se recueillir devant Dieu, elle entendait encore vibrer dans son cœur l’accent mélodieux d’une voix aimée ou le rire farouche d’une rivale sans pitié. Tantôt elle se laissait aller aux rêveries de son amour, et elle écrivait sur les marges du livre pieux :

Pour récompense et pour salaire
De mon amour et de ma foi,
Rendez-m’en, ange tutélaire !
Autant que je vous en doi.

Et un peu plus loin :

Si mes pensers sont eslevéz,
Ne l’estime pas chose étrange ;
Ils méritent d’être approuvez,
Ayant pour objet un bel ange.

Tantôt elle fléchit sous le poids de son infortune, et, à côté des prières qui n’ont pu la consoler, elle écrit çà et là, selon l’émotion saisissante du moment, ces strophes douloureuses :

Un cœur que l’outrage martyre