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DE L’UNION COMMERCIALE.

commerciaux, qu’avec les nations qui peuvent lui offrir un marché aussi important que le sien, la France aurait à peine la liberté d’entamer des négociations avec l’Angleterre, toutes les autres puissances de l’Europe et de l’Amérique lui étant inférieures en richesse ou en population, et souvent par l’un et l’autre endroit. Il faudrait repousser, par l’élévation de nos tarifs, les provenances de l’Allemagne, de la Hollande, de la Suisse, du Piémont, de l’Espagne, des États-Unis, du Brésil, de l’Autriche et de la Russie, c’est-à-dire se priver des débouchés les plus larges que nos produits rencontrent au dehors.

On oublie encore que l’association commerciale qui est en question doit comprendre d’autres états que la France et la Belgique. C’est un cercle qui s’élargira progressivement, jusqu’à comprendre nos voisins immédiats à l’est et au midi. La France appelle dès aujourd’hui tous ces peuples à y concourir ; et ceux-ci n’attendent peut-être, pour s’y associer, que d’avoir pu constater, par les heureux effets de l’union entre la France et la Belgique, les avantages qu’ils ont eux-mêmes à en espérer. La population belge n’entrera donc dans l’association que comme l’avant-garde de la Savoie, de la Suisse et de l’Espagne ; les quatre millions de consommateurs qu’elle nous offre en précèdent et en annoncent vingt millions.

Mais quand l’union commerciale ne devrait comprendre que la France et la Belgique, les conséquences de cette mesure, déjà évidentes sous le rapport politique, ne seraient pas à dédaigner sous le rapport des intérêts matériels. Les Belges ne sont pas des consommateurs ordinaires, et s’ils produisent proportionnellement plus que les Français, grace à l’aisance générale qui est répandue dans leur pays, ils consomment aussi beaucoup plus que nous. Sans examiner le produit des impôts indirects dans les deux pays, et pour borner cette comparaison aux valeurs du commerce extérieur, en prenant pour base la somme des importations et des exportations réunies qui se sont élevées, en 1841, pour la France, à 1,564 millions de francs, et pour la Belgique à 365 millions, on trouve que les échanges représentent, pour chaque Français, 44 francs, et pour chaque Belge 91 francs ; la différence, à l’avantage des Belges, est donc d’à peu près 104 pour 100.

Veut-on borner le rapprochement aux échanges qui se font entre la Belgique et la France ? En 1841, les Belges ont reçu et consommé pour 43 millions de produits français, soit environ 11 francs par habitant, tandis que les Français ont reçu et consommé pour 64 millions de produits belges, soit environ 2 francs par individu. Les tableaux publiés par la douane française donnent des chiffres très différens de ceux de la douane belge, savoir : pour nos exportations en Belgique 45 millions, et pour nos importations 90 millions ; mais, sur les 90 millions de marchandises importées en France par la frontière belge, il y a 26 millions de produits étrangers aux deux pays, et qui sont, par rapport à la Belgique, des valeurs de transit. La somme des valeurs échangées grossirait de part et d’autre, si l’on y ajoutait celles que la contrebande introduit. Mais les chiffres officiels suffisent pour montrer qu’il ne faut