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LE CONNÉTABLE DU GUESCLIN.

gnes du grand connétable. Alors, en présence de ces guerriers auxquels il allait bientôt manquer si tristement, un vieil évêque parut dans la chaire où devait un jour monter Bossuet, et prononça l’une des premières oraisons funèbres dont notre histoire garde le souvenir :

Quant l’offrande si fu passée,
L’évesque d’Auxerre prescha.
Là ot mainte larme plorée
Des paroles qu’il récorda ;
Car il conta comment l’espée
Bertrand de Glasquin bien garda,
Et comme en bataille rangée
Pour France grant peine endura.

Les princes fondoient en larmes
Des mots que l’évesque monstroit,
Car il disoit : Plorez, gens d’armes,
Bertrant, qui tretous vous amoit ;
On doit regretter les fetz d’armes
Qu’il feist au temps qu’il vivoit :
Dieux ayt pitié sur toutes ames,
De la sienne, car bonne estoit[1].

Ainsi finissent et ce règne et cette vie voués à la même pensée ; ainsi passa cette époque, l’une des plus importantes de notre histoire pour les destinées de la France. Pendant que celle-ci se dessine au dehors avec sa physionomie native, elle s’asseoit au dedans sur la large base de l’unité monarchique. La royauté se prépare une armée. Cette création entraîne, par une suite nécessaire, l’établissement d’un système financier. La puissance des capitaux s’élève et fait concurrence à la puissance territoriale. L’administration se forme autour du trône ; elle enlace le pays que l’action seigneuriale a cessé de dominer, et, pour compléter l’œuvre de cette grande transformation, de petits légistes, se substituant aux hauts barons, s’asseoient sur les siéges fleurdelisés du parlement, et finissent par le transformer en cour des pairs et en suprême conseil national.

Ce régime nouveau, qu’à notre tour nous appelons l’ancien régime, ne s’établit pas sans doute en un jour, et de grands évènemens ne tardèrent pas à venir traverser l’œuvre monarchique conçue

  1. Extrait du poème d’un auteur contemporain, Guillaume de Quimper, manuscrit de l’église de Saint-Aubin d’Angers.