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coup de ses amis refuseraient de le suivre. Que deviendront donc les whigs ? Quand on y regarde de près, il est aisé de voir qu’aujourd’hui plus que jamais aucune différence essentielle ne les sépare de sir Robert Peel et des tories modérés. Si les ultrà-tories rompaient avec sir Robert Peel, il y aurait dès-lors grande chance que les deux fractions moyennes de la chambre se rapprochassent, et qu’il en sortît ce parti du juste milieu auquel je croyais il y a cinq ans. Tant que les ultrà-tories appuieront le ministère, un tel dénouement n’est pas possible, et les cadres actuels se maintiendront. Pendant ce temps, il faut le reconnaître, la situation des whigs sera délicate, compromise. Si avec lord John Russell ils se tiennent éloignés des radicaux, leur isolement croîtra et apparaîtra chaque jour davantage. Si, comme lord Palmerston, ils fraternisent avec la partie plus vive de l’opposition, ils se laisseront absorber par elle et perdront leur individualité.

Dans cette alternative, il est difficile de deviner ce que feront les whigs. Probablement rien de bien marqué ni de bien suivi. Un jour on les verra pencher vers les radicaux, un autre jour s’écarter d’eux, selon le vent qui soufflera. Mais, s’ils veulent vivre en bonne intelligence avec leurs alliés, il faut que leurs triomphes de 1840 ne les enivrent pas trop, et qu’ils modèrent un peu leur ardeur belliqueuse. Jamais, dans les plus beaux temps de la lutte avec la révolution française, Pitt n’égala l’enthousiasme guerrier que déploie aujourd’hui lord Palmerston, soit dans le parlement, soit dans le Morning-Chronicle, son organe spécial. Ce n’est point assez pour lui des lauriers de la Syrie, des victoires de l’Afghanistan, des succès de la Chine ; il faut que l’Angleterre jette le gant au monde entier et ne transige avec personne. Or les radicaux, comme l’Examiner et le Sun l’ont déjà dit très nettement à lord Palmerston, sont loin d’être de cet avis. Encore une fois, entre les tories et les whigs, il s’est fait, au sujet de la politique extérieure, une sorte d’échange ; et, s’ils revenaient au monde un jour de débat sur l’Orient ou sur la France, les chefs de ces deux grands partis, pourraient prendre leurs héritiers l’un pour l’autre et se tromper de côté.

Il y a plus à dire des radicaux, qui constituent aujourd’hui la vraie opposition. Pour bien apprécier leur force, il est bon de faire connaître les questions qu’ils ont soulevées, et les votes où ils se sont séparés des whigs. La première de ces questions et la plus importante sans contredit est celle d’une nouvelle réforme. C’est par M. Sharman Crawford qu’elle fut proposée presqu’au début de la session. L’hono-