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L’ANGLETERRE ET LE MINISTÈRE TORY.

différentes, ont à peu près balancé, dans l’opinion publique, celles de lord John Russell, de sorte que celles-ci n’ont plus eu la puissance de tenir unies et serrées toutes les fractions du parti réformiste. L’opposition whig a donc suivi ses tendances, comme l’opposition radicale les siennes, et il en est résulté, au sein de la minorité, beaucoup de confusion et de découragement. Dans plusieurs circonstances, les whigs ont même témoigné par leur absence qu’ils n’approuvaient pas la conduite tracassière de leurs alliés, et qu’ils ne voulaient pas, comme eux, user de tous les moyens que donnent les formes parlementaires pour harasser, pour entraver le gouvernement. Dans d’autres occasions, ils ont manifesté hautement leur dissentiment et presque leur dégoût. Cette disposition paraît surtout être celle de lord John Russell, l’homme le plus considérable et le plus respectable du parti whig dans la chambre des communes. Amis et ennemis, tout le monde a remarqué qu’il parlait rarement, et qu’il allait souvent visiter ses terres, laissant à un autre le soin de se faire l’organe de l’opposition. Cet autre, est-il besoin de le nommer ? Qui serait-ce, si ce n’est lord Palmerston, jadis ultrà-tory avec lord Castelreagh, puis tory modéré avec M. Canning, puis whig modéré avec lord Grey, puis whig ardent avec lord Melbourne, puis à l’heure qu’il est whig radical pour le moins. À voir l’ardeur avec laquelle lord Palmerston s’est emparé de la place que lui laissait lord John Russell, à entendre les discours si vifs, si incisifs, et, il est juste de le dire, quelquefois si éloquens qu’il a prononcés ; à remarquer le soin avec lequel il cherchait à plaire aux radicaux, beaucoup ont pensé, beaucoup pensent encore que la seconde place ne lui convient plus, et qu’il veut devenir à son tour le chef de l’opposition ralliée sous son drapeau. Que ce soit ou non sa pensée, toujours est-il que dans lord John Russell et lord Palmerston, les deux tendances de l’ancien parti whig se montrent assez clairement : d’un côté, ceux qui trouvent qu’après tout les radicaux ne sont pas fort sensés, et qu’il y a danger à leur prêter plus long-temps la main ; de l’autre, ceux qui, pour maintenir les radicaux dans leur alliance, sont disposés à leur passer beaucoup et à leur faire de nouvelles concessions.

Cette année pourtant, le budget de l’an dernier a suffi pour donner à l’opposition, sous la conduite des whigs, un symbole commun ; mais cela est fini, et il est bien clair que les radicaux ne se rallieront pas désormais au droit fixe de 8 shellings. C’est l’abolition complète des droits sur les céréales qu’ils demanderont, et il est douteux que lord John Russell aille jusque-là. S’il y allait, dans tous les cas, beau-