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L’ANGLETERRE ET LE MINISTÈRE TORY.

chard Vyvian, cette tentative de tenir unis les membres d’un parti en étouffant l’expression des opinions indépendantes et en dégradant les caractères, cette tentative de convertir un corps de nobles et de gentlemen à l’ame élevée en un régiment de partisans, cette tentative ne peut réussir toujours… Dans ce moment, la majorité des communes se soumet à une administration qu’elle a elle-même imposée à la reine et qui la trahit… L’an dernier, les classes productives croyaient leurs intérêts compromis. Elles ne sont pas moins alarmées aujourd’hui, et de plus elles sont dégoûtées de la conduite des hommes publics. » Sir Richard Vyvian finit par dire « qu’il y a dans l’armée, dans la banque, dans la compagnie des Indes, cent hommes qui valent les ministres actuels ; mais le parti tory a peur de voir revenir les whigs, et c’est pour cela qu’il vote pour la loi des céréales, pour le tarif, pour la loi des pauvres, pour tout ce qui le déshonore et le perd. »

Si sir Richard Vyvian fait une seconde édition de sa brochure, il n’oubliera certes pas un nouveau grief qui, fort à l’improviste, vient d’arriver d’outremer. On sait quels ont été de tout temps les principes des tories sur les rapports entre les possessions coloniales et la métropole. Pour eux, les possessions coloniales sont une propriété que la métropole a le droit imprescriptible de gouverner, d’administrer, d’exploiter à son gré, et c’est en vertu de ces principes que, malgré leur haine pour le ministère Melbourne, ils vinrent si cordialement à son aide lors de la dernière insurrection du Canada. C’est en vertu de ces principes qu’après avoir approuvé les mesures peu libérales de leurs adversaires, ils leur reprochèrent plus d’une fois de faiblir dans l’exécution, et de trop ménager des traîtres et des Français. Quelle à donc été leur surprise, leur consternation, quand, l’autre jour, le paquebot leur a apporté l’étrange nouvelle de la révolution consommée sous les yeux et par les mains du gouverneur tory ! À l’heure qu’il est, du consentement de sir Charles Bagot, les traîtres, les Français, sont prépondérans dans le ministère et maîtres du gouvernement ! À l’heure qu’il est, tout ce qu’il y a dans le pays d’Anglais loyaux est plongé dans le deuil et réduit à faire de l’opposition ! N’est-ce pas là un scandale inoui, et qui ne peut être toléré ?

Je sais que, pour apaiser les tories, on leur dit que sir Charles Bagot n’a pu faire autrement, et qu’il a dû, comme la reine, prendre son ministère dans la majorité ; mais cette raison, excellente pour un libéral ou pour un tory modéré, ne vaut rien absolument pour un tory de la vieille roche, pour un de ces tories qui croient encore que,