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son travail et pour son capital ; quatrièmement, une représentation complète du peuple dans la chambre des communes par la plus grande extension possible du droit de suffrage et par l’établissement du scrutin secret ; cinquièmement, l’abolition ou le changement radical de la loi des pauvres ; sixièmement enfin, le rappel de l’union, seul moyen par lequel les autres grands résultats peuvent être obtenus. » Si le programme n’est pas raisonnable de tout point, du moins contient-il assez d’élémens incandescens pour que le feu reprenne au pays.

Pour moi, je pense que le jour où, soit sous l’influence d’une disette, soit par toute autre cause, l’Irlande sera sérieusement agitée, le cabinet Peel retrouvera toutes les difficultés dont il se croit aujourd’hui débarrassé. Tant que les choses iront paisiblement, les orangistes et les protestans fanatiques n’auront pas grande influence. Ils pourront bien, comme dans les salles de l’association protestante, jurer de temps en temps haine aux catholiques, et déclarer « qu’ils n’auront point de repos jusqu’à ce qu’ils aient écrasé le papisme, ce culte sanguinaire où l’on n’apprend qu’à déshonorer la parole de Dieu, qu’à tromper les ignorans, qu’à détester l’Évangile, qu’à insulter et diffamer le trône protestant. » Ils pourront bien, comme dans un meeting qui a été remarqué à Dublin, « faire vœu de chasser les ministres à coups de pied en moins de six mois si les ministres ne s’amendent pas, » et chanter l’air des Garcons protestans en l’honneur de lady de Grey, qui porte les culottes. Ils pourront même quelquefois, quand ils auront l’université de Dublin derrière eux, faire reculer le gouvernement et lui imposer un candidat dont il ne se soucie pas ; mais tout cela ne les mènera pas très loin. Que le parti catholique, aujourd’hui abattu, reprenne au contraire quelque chose de son ancienne ardeur ; qu’à Dublin siége de nouveau une association puissante, rivale du gouvernement et maîtresse du pays ; que la lutte en un mot recommence, et le cabinet Peel aura non-seulement la peine de soutenir cette lutte, mais la peine plus grande encore de contenir, de diriger ses propres partisans. Quand cela arrivera-t-il ? Je n’ose plus le prédire, après le calme inattendu de la dernière année ; mais cela arrivera : il ne faut pas, pour en douter, connaître le cœur de l’Irlande.

Il me reste à parler de la troisième et peut-être de la plus grave des difficultés prévues par tous les hommes politiques le jour où sir Robert Peel a pris le pouvoir : celle qui tient aux sentimens, aux passions, aux divisions de son propre parti.