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radicales de Dublin et de Limerick, les comtés orangistes de Down et de Queen, refuser de voter une adresse au lord-lieutenant.

Tel était l’état des choses quand mourut M. West. Le parti catholique eut alors la très heureuse idée de mettre sur les rangs lord Morpeth, qui, par sa situation, par son talent, par sa conduite à l’égard de l’Irlande, devait nécessairement réunir toutes les voix catholiques et libérales. Cette idée fut en effet acceptée avec enthousiasme, et pendant plusieurs jours le parti du gouvernement et le parti orangiste, découragés, abattus, désespérèrent même de trouver un candidat qu’ils pussent opposer à lord Morpeth. À la onzième heure pourtant, il s’en présenta un, M. Gregory, jeune homme de vingt-deux ou vingt-trois ans, absolument inconnu à Dublin. Eh bien ! au scrutin, ce jeune homme l’emporta à la majorité de 390 voix sur son redoutable concurrent. Peu de mois auparavant, M. West ne l’avait emporté que de 168 voix sur O’Connell.

Si je ne m’abuse, cet évènement eut de graves conséquences. Il prouva clairement au parti catholique et libéral qu’il reculait au lieu d’avancer ; il prouva au parti orangiste que la politique conciliante du gouvernement n’avait point, après tout, manqué son but. Quant au parti du gouvernement, qui tout doucement attirait à lui des deux côtés les hommes las de l’agitation pour le rappel ou des violences orangistes, il en fut notablement fortifié, et put continuer sa marche d’un pas plus ferme et plus sûr. Tout récemment pourtant il vient d’essuyer un échec sérieux et de nature à compromettre sa position. M. Jackson, avocat-général et membre de la chambre des communes pour l’université de Dublin, ayant été nommé juge, le gouvernement présentait pour le remplacer au parlement, son successeur, M. Smith, homme modéré ; mais le parti orangiste, qui est en force dans l’université, n’a point trouvé cela bon, et a fait choix d’un autre candidat, M. Hamilton, ennemi juré de l’allocation que le parlement vote chaque année pour le collége catholique de Maynooth, et violemment opposé au système d’éducation nationale aujourd’hui établi en Irlande. C’était donc une question grave pour le cabinet, qui a d’abord annoncé l’intention bien arrêtée de livrer la bataille et de maintenir son candidat ; mais soit qu’il ait craint en définitive d’aliéner à tout jamais le parti orangiste, soit qu’un échec lui ait paru probable, il a changé d’avis et retiré M. Smith. C’est un grand triomphe pour les orangistes, et les journaux qui le célèbrent en tirent déjà cette conséquence, qu’ils n’ont qu’à vouloir pour faire capituler le gouvernement.