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L’ANGLETERRE ET LE MINISTÈRE TORY.

en paix, et ne comptez-vous pour rien le désastre de l’Afghanistan, l’expédition de Chine, l’anarchie de l’Orient, la rupture de l’alliance française ? Ce sont encore là de vos œuvres. Laissez-nous au moins le moyen d’y remédier. »

Tel est le thème que développa dix fois sir Robert Peel, et qui, repris par lord Stanley, lui fournit l’occasion de deux répliques sanglantes, l’une à l’ancien ministre de la guerre, M. Macaulay, l’autre à lord Palmerston. Pour obtenir quelque autorité, il ne suffisait pas d’ailleurs à l’opposition de critiquer le plan ministériel, il fallait encore qu’elle produisît le sien. Or, elle n’en avait pas d’autre que son budget de 1841, déjà plusieurs fois rejeté. Ce fut donc ce budget que lord John Russell dut proposer en opposition au budget Peel. La lutte alors s’engagea franchement entre les deux ministères, et 202 voix votèrent pour le budget whig, 308 pour le budget tory. Ce vote acquis, sir Robert Peel présenta son bill, qui, après de longs débats et beaucoup d’amendemens rejetés, passa enfin tel qu’il le voulut, à la majorité imposante de 255 contre 149. Il est bon de remarquer que deux radicaux, M. Roebuck et M. Currie, tout en blâmant quelques dispositions du bill, crurent devoir se séparer de leurs amis et soutenir sir Robert Peel. Ils pensèrent sans doute, comme organes des classes les plus pauvres, qu’il ne leur était pas permis de repousser absolument un projet par lequel les classes aisées seules étaient atteintes. C’est par cette raison également que l’agitation tentée par les whigs échoua presque partout, et que dans certaines villes fort radicales, entre autres à Manchester, le budget tory fut en général favorablement accueilli.

Je dépasserais les bornes de ce travail si je voulais expliquer dans ses détails un bill qui ne comprend pas moins de cent quatre-vingt-neuf clauses et de cent trente pages in-folio d’impression. Cependant il me paraît utile d’en faire comprendre les dispositions et les difficultés principales. C’est d’ailleurs une occasion de mettre à nu la situation financière de l’Angleterre, telle qu’elle résulte des derniers débats.

Le budget ordinaire anglais, qui ne comprend ni la taxe des pauvres, ni les dépenses du culte, ni l’entretien des routes et canaux, ni les dépenses provinciales ou locales, ni une portion notable des frais de perception, monte au chiffre considérable de 50 à 51 millions sterl. (1 milliard 250 à 275 millions). Or, la propriété foncière, sur laquelle pèsent la plupart des dépenses non inscrites au budget, ne contribue directement à celles qui y figurent que pour une très