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d’avantage à livrer 100 kil. de houille à 80 centimes qu’il le fait actuellement à 1 franc. »

Les frais de transport surchargent le prix de la houille suivant les distances, de 50, 100, 200 et 300 pour 100. L’état d’imperfection où se trouve encore en France la navigation des fleuves et des canaux, a donné sur ce point aux charbons belges, non pas sur nos houilles du nord, mais sur celles du midi, un avantage qui doit se réduire d’année en année. Toutefois, il est à désirer que l’importation des houilles étrangères ne diminue pas. Un pays s’enrichit quand il emprunte aux contrées voisines une partie de la force motrice que celles-ci pourraient employer à la production.

Toutes les fois que la question d’une réforme commerciale est agitée en France, l’opposition la plus vive et la plus persévérante vient de l’industrie des fers ; cela se conçoit. La législation, qui prohibe de fait, dans l’intérêt de cette industrie, les fers étrangers, est la base du système protecteur, et les intérêts que ce système abrite se groupent d’instinct autour des maîtres de forges comme autour de leurs chefs naturels. En 1828, M. de Saint-Cricq, procédant à une enquête sur les fers, déclarait que les droits exorbitans établis sur les fers étrangers « n’étaient entrés dans les combinaisons de nos lois que comme une nécessité temporaire. » Cependant les maîtres de forges parvinrent à faire ajourner toute réduction. En 1836, lorsque le droit sur les fers fabriqués à la houille fut réduit d’un cinquième (de 27 fr. 50 cent. par 100 kil. à 20 fr. 62 cent.), les propriétaires d’usines poussaient des cris de désespoir ; ils accusaient l’administration de préparer leur ruine et de porter atteinte au travail national. L’évènement a prouvé que cette diminution était complètement inefficace ; pas une tonne de fer étranger n’est entrée dans la consommation. En 1842, les conseils-généraux des manufactures, du commerce et de l’agriculture étaient assemblés ; le ministère, qui négociait alors avec la Belgique, leur posa, entre autres questions, celle-ci : « Y a-t-il lieu de conserver encore dans son intégrité le tarif actuel ? ou ce tarif, qui équivaut à 70 pour 100 sur la fonte, et à plus de 110 pour 100 sur le fer, peut-il, sans inconvénient pour nos intérêts métallurgiques et au grand avantage des autres intérêts industriels, agricoles et commerciaux, être soumis à un nouveau dégrèvement ? » À quoi le conseil des manufactures répondit avec un laconisme antique : « Oui, il y a lieu de conserver encore, quant à présent, le tarif des fontes et des fers dans son intégrité. »

Le ministère, battu sur la question principale, essaya d’obtenir une exception. « Ne pourrait-on pas, dit-il, pour laisser une certaine latitude au gouvernement dans les rapports internationaux, ne consentir de dégrèvement que sur les fontes et fers de certaines provenances, ou pour des quantités limitées sur certaines sortes qui auraient une distinction spéciale, telles, par exemple, que les rails et coussinets pour chemins de fer ? » L’exception était assurément bien timide dans la forme, et bien limitée pour le fond ; cependant elle ne désarma pas le conseil des manufactures, dont la réponse fut négative et absolue : « Quel que soit l’intérêt que l’on attache à nos rapports inter-