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DE L’UNION COMMERCIALE.
Toiles de fils. Exportation générale. Exportation pour la France.
1837. 32,397,228 27,672,006
1838. 38,764,599 34,621,900
1839. 25,865,415 19,206,645
1840. 27,838,725 20,201,829
1841. 29,878,784 22,621,517

Le maximum de l’exportation des toiles belges pour la France est représenté par 34 millions en 1838 ; et le minimum par 19 millions en 1839. Depuis trois ans, la diminution est notable ; elle le paraîtra davantage, si l’on réfléchit que la consommation de la toile a beaucoup augmenté en-France[1]. Ainsi, la Belgique a vu se réduire les débouchés que lui offrait le marché français, précisément lorsque ce marché gagnait en étendue.

Et il ne faut pas croire que la place laissée vacante par l’industrie belge fût occupée exclusivement par l’industrie anglaise, car les toiles d’Angleterre importées en 1840 n’avaient qu’une valeur de 8 millions, et la différence entre les quantités importées de Belgique en 1838 et en 1840 est de 14 millions. Ce sont les toiles françaises qui ont chassé les toiles belges ; ce fait s’était déjà révélé en 1838, et M. Cohin disait dans l’enquête : « Par suite de l’emploi des fils mécaniques, les toiles de Lizieux sont à des prix qui leur permettent de soutenir la concurrence avec avantage. » M. Legendre citait un fait encore plus décisif : « En 1837, l’importation par Lille a diminué dans une plus forte proportion que l’importation par les ports des toiles venant d’Angleterre n’a augmenté. » Le même négociant, pour démontrer l’accroissement de la consommation, faisait remarquer l’importance que le commerce des toiles en gros avait prise à Paris, à Lyon et dans toutes les grandes villes : c’est au détriment des tissus de coton que cette révolution dans nos habitudes s’accomplit.

Les toiles belges ont à supporter, à leur entrée en France, un droit de 8 à 12 pour 100. Si un droit aussi faible suffit pour leur rendre la concurrence à peu près impossible sur nos marchés, on peut en conclure que la suppression des tarifs de douane ne fera que rétablir dans cette lutte l’égalité des conditions du travail entre la Belgique et la France. Cela est tellement vrai, que, dans certaines branches de cette fabrication, nos manufacturiers ont même sur l’Angleterre, l’avantage du bas prix. « M. Feray, dit M. Legendre, fait lui-même de beau linge damassé que l’on ne trouve pas trop cher à 5 fr. 50 cent. l’aune, et c’est ce qu’on ne pourrait pas obtenir en Angleterre. » M. Legentil confirme le dire de M. Legendre dans les termes suivans : « Je citerai le linge de table ouvré, que, malgré des droits énormes de 30 à 50 pour 100, nous apportions toujours du dehors ; plusieurs maisons, et la mienne même,

  1. « La consommation, agacée par la diminution des prix et par la plus belle apparence des toiles faites avec du fil mécanique, a pris un tel accroissement, que le travail du tissage a triplé. » (M. Cohin, enquête de 1838.)