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DE L’UNION COMMERCIALE.

s’élèvent ; bientôt après la valeur des matières premières augmente, et, en fin de compte, celle des marchandises fabriquées. Arrivée à ce point, la concurrence industrielle d’une nation cesse d’être à craindre pour ses voisins.

Ce n’est pas une hypothèse que nous avançons ici, ce sont des faits que nous racontons. La Belgique a déjà tenté d’accroître et d’accélérer sans mesure l’élan de sa production. De 1836 à 1839, elle n’a rêvé que houille et que fer ; la spéculation s’arrachait les mines de charbon jusqu’à en quintupler la valeur ; on construisait des hauts-fourneaux partout ; on payait le minerai de fer au prix de l’or. Qu’en résulta-t-il ? Une hausse inouie ne tarda pas à se déclarer. Les rails, qui avaient coûté en 1834 au gouvernement belge 360 fr. la tonne, furent vendus jusqu’à 450 fr. en 1836, 457 fr. 50 cent. en 1837, 418 fr. en 1838, et 370 fr. en 1839. Les coussinets en fonte, qui avaient coûté en 1834 255 fr. la tonne, furent vendus en 1837 367 fr. 70 cent., 320 fr. en 1838, 265 fr. en 1839, et en 1840 304 fr.

Veut-on se rendre compte de cette élévation rapide des prix ? Qu’on lise dans l’enquête de 1840 le récit des extravagances auxquelles se portèrent les manufacturiers belges pour augmenter leur production : « Il se passa alors, dit M. Briavoine, des choses presque fabuleuses. Des ouvriers mineurs, qui n’avaient jamais connu que des journées de 1 fr. 50 c. à 2 fr., gagnèrent jusqu’à 12, 15 et même 20 fr. par jour. Tel minerai, qui précédemment ne coûtait que 8 à 10 fr. les 1,000 kil., en valut 16 et 20. » Ce témoignage est confirmé par celui de M. Kegeljan, de Namur : « Les minerais de fer suivirent la même impulsion que les houilles, et l’on vit, de 7 à 8 fr., porter à 15 et 20 fr. la charrée du cube 0,7176, pesant 1,000 à 1,200 kil. On acquit à tout prix des permissions de recherches, et l’on vit donner jusqu’à 7 fr. 75 cent. à un propriétaire pour la permission d’extraire une charrée de mine dans ses terrains. Le charbon de bois, qui suit les oscillations du charbon minéral, s’éleva jusqu’à 80 fr. la tonne de 4 mètres 86 centimètres, de 45 qu’il se vendait ; ce qui fait 16 fr. 46 cent. par mètre cube, au lieu de 9 fr. 26 cent.

Dans notre conviction, quelle que puisse être en ce moment la différence des prix de revient entre les industries similaires de France et de Belgique, ces prix se nivelleront naturellement une fois les barrières de douanes supprimées. Ils diminueront peut-être en France, mais ils augmenteront certainement en Belgique. Ni d’un côté ni de l’autre, le travail ne sera interrompu. Les cent vingt mille familles d’ouvriers que M. d’Argout voit déjà réduites à la mendicité par la concurrence belge, conserveront leur salaire et leur pain. Nous espérons le démontrer en abordant les détails de ce rapprochement.

Les industries similaires dans les deux pays sont principalement les fils et tissus de lin, les draps, les tissus de coton, les houilles, les fontes et les fers. C’est sur ces grandes branches du travail national que nous ferons porter la discussion.

Ceux qui repoussent avec le plus de chaleur l’introduction en France des fils et des tissus de lin anglais admettent au contraire et appellent la Belgique à concourir à notre approvisionnement. « L’industrie linière, dit M. Estan-