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DE L’UNION COMMERCIALE.

Belgique pourrait accepter le taux de 40 fr. par 100 kil. pour le sucre colonial, si l’on n’élevait pas au-dessus de 50 fr. le droit sur le sucre étranger. Quant au sucre indigène, on lui donnerait un délai de cinq ans pour se préparer à supporter, à égalité d’impôt, la concurrence du sucre de nos colonies.

On le voit, la Belgique a peu à faire pour s’approprier notre système de contributions indirectes, et on le rendrait facilement acceptable à ce peuple par des modifications qui ne seraient de nature ni à changer la forme ni à altérer les résultats de l’impôt. Reste la difficulté des monopoles que l’état s’est réservés en France, tels que les poudres à feu, les cartes à jouer et les tabacs.

La fabrication et le commerce des poudres à feu étant essentiellement liés à la défense du territoire, un gouvernement peut s’en emparer à bon droit. Le gouvernement belge a établi à Liége une fonderie de canons, la seule peut-être en Europe qui réunisse la confection des pièces de fer et de bronze. Il n’hésitera pas sans doute à faire un pas de plus dans cette voie, et à s’approprier, à l’exemple de la France, le monopole des poudres à feu. Quant à celui des cartes à jouer, c’est un impôt de luxe qui tient trop peu de place dans l’économie sociale pour devenir une difficulté. Le produit de cette taxe ne s’est élevé en 1840 qu’à 632,000 francs ; il est donc sans importance pour le trésor français, qui pourrait aisément l’abandonner, et quant à la Belgique, en l’adoptant pour elle-même, elle ne froisserait que très médiocrement les habitudes de sa consommation.

Le monopole du tabac est une question moins simple. La France ne saurait renoncer à une forme d’impôt dont le produit brut s’élève à plus de 100 millions, le produit net à près de 80, qui représente la douzième partie du revenu public, et qui, sans peser au pays, obtient dans sa marche annuelle un accroissement régulier. La Belgique de son côté, en modérant la taxe que supporte le tabac, dont la fabrication et le commerce restent d’ailleurs soumis au régime de la liberté la plus absolue, a laissé prendre à cette industrie un immense développement. Les quantités importées en 1841 sont évaluées à 8 millions de francs, qui, après les préparations et manipulations dont elles sont l’objet dans le pays, ont acquis une valeur d’environ 12 à 15 millions. La culture indigène ajoute encore près de 500,000 kil. aux élémens de cette vaste fabrication.

La régie française achète annuellement 23 à 24 millions de kil., qui se réduisent par la fabrication à 16 ou 17 millions. Le commerce des tabacs en Belgique absorbe 7 à 8 millions de kil., soit le tiers environ des quantités que le monopole en France s’approprie. Ces 8 millions de kil. ne sont pas entièrement consommés par les Belges ; en effet, l’on n’évalue[1] la consommation intérieure de la Belgique qu’à un kil. par individu. La moitié de la fabrication a donc pour objet la contrebande, et pour débouché la France ;

  1. La moyenne est la même en Sardaigne. En France, elle n’est pas d’un demi-kilogramme par individu. (Voir l’enquête sur les tabacs, pag. 353, 369.)