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l’ambition remuante dont elle est animée : en un mot, elle leur a donné ses passions avec ses intérêts, et l’Allemagne n’est plus pour la Prusse qu’un instrument.

L’union allemande a remédié aussi, dans une certaine mesure, au vice de la position géographique que le congrès de Vienne avait faite au royaume prussien. Les provinces rhénanes se trouvent plus étroitement rattachées à la monarchie de Frédéric-le-Grand, depuis qu’il n’y a plus de barrières commerciales entre le Rhin, l’Elbe et la Sprée. Si l’on n’y prend garde, le provisoire deviendra bientôt définitif, et la position militaire que la Prusse avait été chargée de garder, deviendra le point d’attaque de l’Allemagne tout entière contre nous.

Les neuf années qui viennent de s’écouler depuis l’établissement de l’union ont été employées par la Prusse à se rendre invulnérable, et à établir son ascendant. La politique de ce gouvernement a été la même que celle de Philippe de Macédoine, qui se préparait, en ralliant sous son autorité les républiques de la Grèce, à porter la guerre en Asie. Après le mouvement de concentration, le mouvement d’agression est venu. La Prusse travaille désormais à répandre l’influence germanique au dehors, elle lutte par sa politique industrielle avec l’Angleterre, et par sa politique commerciale avec la France. L’attaque qu’elle dirige contre nous a tous les caractères d’une invasion ; elle cherche à déborder la France par ses ailes, et, tandis qu’elle nous oppose en front la masse de l’union allemande, elle cherche à s’établir, par des traités ou par des associations de commerce, à notre droite en Suisse et à notre gauche en Belgique, à la naissance du Rhône et aux bouches de l’Escaut. Si l’Angleterre s’inquiète des manœuvres de la Prusse, et si le cabinet de Londres ne croit pas pouvoir les contreminer autrement qu’en resserrant son alliance avec l’Autriche, quelle ne doit pas être notre sollicitude, à nous qui pouvons nous trouver atteints dans notre situation politique et non pas seulement dans nos intérêts !

Il est bien temps pour la France d’opposer une digue à cette invasion. Dans l’intérêt de l’Europe comme dans le nôtre, l’association allemande ne doit pas rester sans contrepoids. Il faut constituer aussi l’unité française, et cela ne peut se faire qu’en nous associant plus étroitement, par la lutte commerciale, les peuples que Napoléon avait menés avec nous aux combats.

L’union du midi, qui n’était en 1837 qu’une vue d’avenir, devient ainsi une nécessité présente ; on ne tardera pas à reconnaître qu’il entre dans la mission de la France de l’accomplir, avant que la guerre vienne encore une fois changer le cours de nos destinées.

Jusqu’à cette heure, le gouvernement français ne s’est préoccupé sérieusement que de l’union commerciale de la France avec la Belgique. Les négociations ouvertes entre les deux cabinets, en vue de cette association intime, remontent à l’année 1835 ; depuis, elles n’ont jamais été abandonnées. La France les reprit pendant le ministère du 22 février. Le ministère qui suivit, dans l’espoir de se recommander à l’opinion publique par un acte écla-