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FEU BRESSIER.

Léopold. — Tais-toi.

Je te l’ai déjà dit, et veux te le redire.

Nous arriverons tout à l’heure au nouveau : c’est une femme prudente, qui ne m’a pas permis d’aller chez elle sans l’invitation de son mari, qui bien plus sévèrement encore n’a jamais voulu venir chez moi, qui d’ailleurs ne sort jamais seule ; que son mari suit comme son ombre.

Édouard. — Pardon, je blâme le mot ombre appliqué à M. Lagache, qui est gros comme un muid.

Léopold. — Tais-toi donc. Tout cela est de la prudence plus que de la vertu ; d’ailleurs elle m’aime, et j’ai tout lieu de croire qu’elle ne reculerait pas devant une occasion ; eh bien ! tout à l’heure, en dansant, elle m’a dit : Mon mari n’est pas ici, vous me reconduirez.

Édouard. — Eh bien ! tu me fais l’effet d’être le plus heureux des hommes.

Léopold. — Au contraire.

Édouard. — Comment, au contraire ?

Léopold. — Je voudrais trouver un mot plus fort. Il faut que je la reconduise ; mais comment faire, puisque nous n’avons ni l’un ni l’autre de quoi payer une voiture ?

Édouard. — Reconduis-la à pied.

Léopold. — Imbécile !

Édouard. — C’est vrai. Comment faire ?

Léopold. — Il n’y a personne ici qui ait assez de confiance en toi pour te prêter cent sous, que tu me sous-prêterais ?

Édouard. — Dis plutôt qu’il n’y a personne en qui j’aie assez de confiance pour les lui demander.

Léopold. — Mais qu’est-ce que je vais faire ? J’ai envie de me sauver, de ne revenir jamais ici, de ne revoir jamais Mme Lagache.

Édouard. — De quitter la France et l’Europe, n’est-ce pas ? Moi, à ta place, je prendrais tranquillement la voiture à tout hasard, puis j’aviserais ensuite aux moyens de la payer ou de ne pas la payer. Quand Mme Lagache serait rentrée chez elle, j’irais à l’heure chez un ami.

Léopold. — Mais on quittera d’ici à une heure du matin ; où veux-tu que j’aille frapper à cette heure-là ?

Édouard. — C’est juste ; eh bien ! tu donneras ton chapeau au cocher.

Léopold. — Ton expédient est joli !