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FEU BRESSIER.

jamais trouvé réunies qu’en lui. Je ne saurais dire ce qu’il y a de bien dans sa figure ; mais ce qui est certain, c’est que, près de lui, les hommes réputés les plus beaux sont tout à coup effacés.

« Il y a dans son front élevé, dans sa bouche dédaigneuse, quelque chose de noble et d’imposant ; puis, dans d’autres instans, sa bouche, qui est pleine d’expression, devient presque caressante. Son sourire, en même temps jeune et mélancolique, charme et attire. Son rire est naïf comme celui d’un enfant. Son regard est calme et profond, mais il manque de douceur.

« Tout ce qui charme en lui est involontaire : c’est pour cela sans doute que c’est irrésistible.

« Sa parole accentuée est une harmonie ; je n’en ai jamais entendu de semblable. Jamais la voix d’un homme, sonore et majestueuse comme la sienne, ne m’est parvenue aussi douce et aussi mélodieuse ; sa parole est une musique et une séduction.

« Ses gestes sont rares, ses mouvemens peu bruyans. Ce qui domine chez lui, c’est un calme et une puissance qui ne peuvent venir que du sentiment intérieur de sa force morale, et de son insouciance de tout.

« S’il parle, ce qui lui arrive rarement, on s’aperçoit qu’insensiblement tout le monde se tait et l’écoute. S’il essaie quelques exercices d’adresse avec d’autres hommes, il les efface par une si grande facilité, qu’on ne voit aucun effort, mais une bonne grace dont les autres n’approchent pas.

« Bientôt il vint de temps en temps, sans raison, sans prétexte, seulement pour nous voir. Quelquefois il nous offrait des billets de spectacle, mais jamais il ne nous offrait de nous y accompagner. Cependant j’accueillais avec empressement tout ce qui, de sa part, semblait un moyen de se rapprocher de moi.

« J’étais sous un charme puissant, mais sans m’en effrayer. Ce qui m’occupait n’avait pas, à mes yeux, l’importance d’un sentiment réel ; et si parfois je trouvais, au fond de mon admiration pour lui, des circonstances qui ressemblaient un peu à quelque chose de défendu, j’étais rassurée par cela même qu’il ne me témoignait rien, et j’avais toujours pensé qu’une femme, telle que je crois être, n’aimait pas la première. Aussi la pensée ne me vint-elle pas de me craindre moi-même ; tant que je n’avais pas à le craindre, lui, ma défiance ne s’éveillait pas.

« Mais bientôt je m’aperçus que, près de lui, j’éprouvais une émotion si violente, que je n’étais pas bien sûre de la lui cacher tout-à-