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HISTORIENS ESPAGNOLS.

comme un outrage à la majesté souveraine ; il exila Mendoza qui se retira à Grenade, où il passa ses dernières années uniquement occupé de travaux littéraires. C’est là qu’il écrivit l’histoire des évènemens qui se passaient sous ses yeux. Il n’avait pas eu le temps de donner la dernière main à son travail quand il mourut à l’âge de plus de soixante-dix ans. Il légua au roi sa précieuse bibliothèque, qui a formé la principale partie de celle de l’Escurial.

Son histoire ne fut pas publiée tout d’abord. On jugea qu’il pouvait y avoir quelque danger à la mettre au jour, quand la guerre qu’elle racontait finissait à peine et quand tous les personnages dont elle parlait étaient encore vivans. La première édition ne parut qu’en 1627, quarante ans après la mort de Mendoza ; ce fut le licencié don Louis Tribaldos de Tolède, bibliothécaire du duc d’Olivarès et historiographe des Indes (cronista mayor de Indias), qui la fit imprimer à Lisbonne. Dès son apparition, elle acquit une haute réputation. Elle fut réimprimée plusieurs fois depuis 1627, et, comme elle n’allait pas tout-à-fait jusqu’à la conclusion de la guerre, le comte de Portalègre y ajouta une suite.

La guerre des Alpuxarras est en quelque sorte le dernier chant de la grande épopée espagnole. Les Maures de Grenade, depuis leur conversion forcée, avaient conservé secrètement leurs mœurs, leur langue et leur religion, et subissaient impatiemment, depuis près d’un siècle, le joug de leurs vainqueurs, quand les mesures tyranniques de Philippe II les poussèrent à bout. Ils élurent pour roi un gentilhomme de Grenade, qui s’appelait comme chrétien don Fernand del Valor et qui s’appela comme roi des Maures Aben-Humeya, du nom des anciens califes de Cordoue, dont il descendait. Ils s’enfermèrent dans les hautes montagnes qui séparent Grenade de la mer, et y résistèrent pendant trois ans à toutes les forces du roi d’Espagne. Le premier général qui fut envoyé contre eux fut le marquis de Mondejar, don Inigo Hurtado de Mendoza, cousin de l’historien. Il échoua dans cette guerre pénible où chaque rocher était une forteresse qu’il fallait emporter d’assaut. Après lui, Philippe II donna le commandement de ses troupes au marquis de Los Veles, qui ne fut pas plus heureux. Enfin le jeune don Juan, fils naturel de Charles-Quint, vint faire ses premières armes contre ce formidable rempart ; après bien des essais infructueux, il parvint à pénétrer au cœur de ces montagnes réputées inaccessibles. Le combat qui finit la guerre fut livré sur les collines de Munda, célèbre déjà par la victoire de César sur les fils de Pompée.