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LES ÉTATS DE LA LIGUE.

archevêques de Reims et de Lyon, Pellevé et d’Espinac, les évêques de Soissons et de Senlis, Hennequin et Guillaume Rose. Ce sont là des personnages qui reparaissent souvent dans la Satire Ménippée et qu’elle nous a rendus familiers.

Remarquons en passant que Paris, dans ces crises révolutionnaires, a tonjours le privilége de faire les choix les plus extrêmes. Robespierre et Marat étaient députés de Paris ; en 1593 également, le nom du curé Boucher, ce grand agitateur de la chaire, le nom de Cueilly, cet autre tribun des églises, ne manquèrent pas de sortir de l’urne avec ceux de Poncet et de Génébrard, deux autres prédicateurs aussi de la démagogie ligueuse, avec celui de Dorléans, ce pamphlétaire féroce, ce père Duchesne de l’Union, que l’Union n’avait pas eu honte de faire entrer au parlement. Il est vrai que, par une contradiction honorable, c’est Paris qui choisit le colonel d’Aubray, ce chef courageux et honnête du parti politique que l’auteur du Maheustre (recommandé par M. Bernard) a honoré des épithètes de « perfide, couart et cruel ; » il est vrai encore que c’est Paris qui élut le prévost L’Huillier, le président Le Maistre, le conseiller du Vair, ces hommes de bien, catholiques sincères, qui, entraînés un instant dans la ligue, n’avaient pas tardé à revenir à la cause de l’ordre et de la tolérance. Ce sont là assurément les noms les plus honorables que présente la liste des députés de 1593 ; ce sont là les hommes sans doute qui, s’ils ne sauvèrent pas le ridicule aux états, leur sauvèrent au moins le rôle odieux qu’ils eussent joué dans l’histoire par l’élection d’une princesse étrangère au gouvernement du pays qu’ils étaient chargés de représenter.

Vis-à-vis des exigences impérieuses de Philippe II, en présence des progrès militaires du Béarnais, devant la faiblesse quelque peu intentionnelle de Mayenne, sous le coup de tant de prétendans, les états de Paris, au sein desquels la ligue se trouvait représentée dans ses nuances les plus diverses, dans sa violence à la fois et dans sa modération, cette réunion, dis-je, qui n’avait pas de parti pris, ou plutôt qui en avait mille, n’eut d’autre voie à prendre que celle des ajournemens, des lenteurs et de la temporisation : voie égoïste et honteuse, mais dont la France tira profit sans aucun doute par les quelques mois donnés ainsi au Béarnais, et pendant lesquels le Béarnais put préparer sa conversion auprès des huguenots et affermir son autorité. De là pour cette assemblée le discrédit auprès des partis, et bientôt le ridicule aux yeux du public. L’envoyé spécial de Philippe II à Paris, don Diego d’Ybarra, comprit vite la situation, et on le voit écrire de bonne heure à ce prince : « Le fait des états n’est qu’un accessoire, et les ligueurs disent qu’ils passeront par ce qui sera arrêté avec les princes. » Le Béarnais était à peu près du même avis : « C’estoient estats dont il faisoit peu d’estat[1]. » Cette chambre en effet ne fut qu’un instrument impuissant dans la main des ambitieux et des factions. Je ne doute pas que les députés n’aient été mêlés de très près

  1. Le Grain, Décade de Henry-le-Grand, 1614, in-fo, p. 254.