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FEU BRESSIER.

— Mais que pensera M. de Wierstein ? demanda Mélanie.

M. de Wierstein ! il s’occupe plus que moi de trouver à ma conduite des excuses et des explications. Mais déchirons ta lettre, ta chère lettre ; car, si jamais quelqu’un la trouvait, tout serait perdu.

Et Arolise déchira le billet de Mélanie où il n’y avait que ces mots :


« Chère tante, prenez garde à vous, on vous trompe ; il se passe quelque chose d’horrible que je ne puis deviner. L’homme qui est avec vous n’est pas M. de Wierstein. M. de Wierstein est le pêcheur Louis, je viens d’en acquérir la certitude, et il vous adore.

« Mélanie. »


Les morceaux de la lettre furent ramassés par Mélanie, qui alla les brûler.

Le soir Arolise dit à Louis :

— Comme je suis bonne, Louis, et comme il faut que je vous aime pour vous avoir pardonné l’affreux jeu que vous avez joué avec moi !

Louis lui baisa la main.

— Mais, dit-elle, est-ce que vous avez cru me tromper un moment ?

— Mais, dit Louis, qu’était-ce que la lettre de Mélanie ?

— Du papier blanc. Il fallait bien un prétexte pour que vous fussiez auprès de moi au moment nécessaire.

— Ah ! la petite nièce aussi m’a trompé.

— Vous le méritiez bien.

— Quand je pense que j’ai mis tant de temps à apporter cette lettre. Et si je n’étais pas arrivé à temps ?

— J’avais un autre moyen. Mais, à propos, je vous demanderai une complaisance, Louis.

— Ordonnez.

— Je ne veux plus voir M. du Bois ; le rôle qu’il a joué dans tout ceci est bas et odieux.

— Il part cette nuit pour un voyage.

Mélanie pleura toute la nuit. Par momens, elle se reprochait d’avoir trompé Louis ; mais il était si heureux !

C’était une partie de son bonheur à elle.

L’ame de feu Bressier s’envola, elle avait horreur d’Arolise.


Alphonse Karr.
(La dernière partie au prochain no.)