Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 32.djvu/231

Cette page a été validée par deux contributeurs.
227
FEU BRESSIER.

dont il avait été témoin, et les questions qu’on lui avait faites sur M. de Wierstein et sur son île, et aussi le projet de Mme de Liriau de jeter le pêcheur dans une entreprise dangereuse.

— Pour moi, dit le batelier, je les ai averties que vous iriez si cela vous convient, mais que, pour cent francs, je ne toucherais pas la terre de l’île du bout de ma gaffe. J’espère bien que vous ferez comme moi, maître Louis ; je vous apprends, si vous ne le savez, que la permission de pêche, dont j’aime à croire que vous êtes muni, vous vient de l’homme d’affaires de M. de Wierstein, et qu’une incartade comme celle qu’on veut vous faire faire serait cause qu’on vous la retirerait immédiatement. Si, comme je le suppose, — il n’y a rien de déshonorant, et vous n’êtes pas le seul, — si vous avez besoin de votre état pour vivre, vous ferez bien de regarder à deux fois à ce que cette dame veut vous demander.

— J’y réfléchirai, dit le pêcheur.

— Et vous ferez bien, répondit le batelier.

Quand Arolise lui demanda s’il consentirait à les conduire dans la propriété de M. de Wierstein, il hésita un moment et répondit : — Après-demain si vous voulez.

Arolise et M. de Lieben échangèrent un regard d’intelligence qui n’échappa pas à Louis.

La promenade fut courte ce soir-là. Mélanie était triste et silencieuse ; M. de Lieben et Arolise semblaient impatiens de se communiquer quelques observations qu’ils avaient faites. Louis fumait sans rien dire ; il n’avait pas d’ailleurs l’habitude, quand il conduisait ces dames, de parler sans qu’on l’interrogeât.

De retour à la maison, Arolise dit à sa nièce : — Après-demain, je saurai tout.

Mélanie. — Eh ! que saurez-vous ?

Arolise. — Je saurai ce que c’est que le prétendu Louis.

Mélanie. — Ne le savez-vous pas ?

Arolise. — Que penses-tu de lui ?

Mélanie. — Nous en savons beaucoup de bien ; sa conduite au sujet de votre bracelet, son dévouement pour cet enfant qu’il a sauvé de l’eau, nous disent que c’est un noble cœur.

Arolise. — Mais ses manières ?

Mélanie. — Il serait à désirer que tous les hommes du monde lui ressemblassent sous ce rapport comme sous les autres ; elles ont servi à me convaincre d’une chose que j’avais toujours soupçonnée, c’est