Scène XI.
Bonjour, cher collègue. Je m’échappe un instant pour venir causer avec vous. J’ai laissé dans mon cabinet deux de mes directeurs, désespérés de mon départ ; mais nous avons besoin de parler de nos affaires, et l’administration doit céder le pas à la politique. On nous accable de signatures : on nous force à nous mêler de tout ; il semble que les journées aient soixante heures pour nous. Parlez-moi des ministres anglais ; ils peuvent prendre du repos, aller à la chasse, donner du temps à la réflexion, parfois même, ce qui est fort bon, laisser leur esprit en friche.
S’est-il passé quelque chose de nouveau depuis notre dernier conseil ?
Non ; mais j’éprouvais le besoin d’en causer avec vous avant celui d’aujourd’hui.
Je vous remercie de cette confiance amicale.
Le roi m’a paru préoccupé et sérieux. Serait-il mécontent du cabinet ?
Ah ! je vous y prends, monsieur le ministre parlementaire ; vous n’étiez pas si soucieux de la grace royale, lorsque, dans l’opposition, vous combattiez les envahissemens de la prérogative.
Que voulez-vous ? le spectacle change avec le point de vue ; mon observatoire n’est plus le même.
Et la théorie de Duvergier de Hauranne : « Les ministres représentent la chambre devant le roi, et le roi devant la chambre. »
Je la défendrai toujours… dans l’opposition. Je ne suis pas pour Fonfrède ; mais il faut comprendre et accepter sa situation. Je suis parlementaire… avec un parlement fort ; mais, quand le point d’appui n’est pas là, je le cherche où