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REVUE. — CHRONIQUE.

et pour nos vins ordinaires, le droit proposé d’abord, et qui était de 20 sous le gallon, se trouve réduit à 6 et 7 et demi. Ainsi, pour le vin, le traitement actuel est préférable à celui que nous assurait la convention de 1832. Quant aux soieries, celles que nos producteurs expédient étant à la fois légères et d’un prix élevé, le droit ne se trouvera pas dans une proportion exorbitante avec leur valeur. Ajoutons qu’un droit fixe est préférable à un droit ad valorem, qui est presque toujours une cause de fraudes et une source de discussions. Il nous souvient à ce sujet d’avoir lu dans le tarif américain un droit ad valorem su les statues en marbre. Ne voyez-vous pas les douaniers américains discutant gravement pour savoir si un Apollon, une Diane, un Bacchus, sont des antiques ou des œuvres modernes, s’ils sont des originaux ou des copies ?

Quoi qu’il en soit des entraves que le nouveau tarif apportera dans plus d’une branche du commerce extérieur, toujours est-il que le ministre de France à Washington, M. de Bacourt, a fait preuve, dans le cours de ces longues et difficiles négociations, d’une parfaite connaissance de la matière et d’une vive sollicitude pour les graves intérêts que le gouvernement lui avait confiés.

Le roi de Naples vient de rendre une ordonnance qui n’est pas seulement une utile modification des droits de douane, elle est en même temps une sage mesure politique. Il a réduit de 50 pour 100 le droit d’importation sur les livres ; c’est là comprendre les besoins du pays et les nécessités du temps. Nous aimons à penser que la censure ne s’efforcera pas de rendre vaine, par une sévérité excessive, la concession financière. Tout semble prouver que le gouvernement napolitain ne redoute pas les lumières ; il n’a nullement le projet d’interdire la circulation de la pensée européenne dans le royaume ; il ne veut pas condamner les compatriotes de Vico, de Genovesi et de Filangieri à la vie purement matérielle. Aussi, les esprits sont-ils fort actifs à Naples ; toutes les branches des connaissances humaines y sont cultivées avec succès, et en particulier les sciences morales et politiques. C’est là le domaine que les Napolitains aiment à exploiter de préférence. Parmi ses hommes éminens, Naples a toujours compté au premier rang de profonds et hardis philosophes, de savans jurisconsultes et des publicistes distingués. Aussi, une certaine liberté est-elle nécessaire au génie napolitain. Plein de sève et de vigueur, il se développe paisiblement et s’occupe plus encore de ses idées et de ses systèmes que des faits extérieurs, lorsque rien ne gêne le cours de ses pensées, lorsqu’on n’essaie pas de les comprimer et de les étouffer. Quelque paradoxale que puisse paraître notre observation, nous ferons remarquer que c’est là, malgré toutes les diversités, un rapport frappant de ressemblance entre le génie napolitain et le génie allemand. Au-delà du Garigliano comme au-delà du Rhin, on aime à se transporter dans le monde élevé des idées, et on y oublie l’humble région des faits positifs et de la vie réelle, à une condition toutefois : c’est que le gouvernement, par ses tracasseries ou par ses violences, ne vienne pas interrompre