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riable a pour effet de limiter les marchés d’approvisionnement de l’Angleterre aux pays les plus rapprochés de ses ports. Dès que, par suite de la hausse du prix à l’intérieur, le passage est ouvert aux grains étrangers, les spéculateurs du nord de l’Europe, de Dantzick et de la Baltique, s’y jettent les premiers et inondent les marchés. Cependant les marchands anglais, voyant les droits d’importation considérablement réduits, frètent des navires qu’ils envoient en Amérique pour y chercher des grains en échange de produits manufacturés ; mais quand, après les délais nécessités par l’échange et par le transport, les navires reviennent en Angleterre avec leur chargement, il se trouve que les droits sont remontés de plusieurs degrés sur l’échelle mobile, et que le blé ne peut plus être importé qu’à perte. Lord Palmerston disait justement : « Si le droit était fixe, les transactions s’établiraient sur un pied tout différent ; le commerce, au lieu d’être un jeu de roulette, deviendrait régulier et permanent ; et les marchands feraient leurs calculs avec certitude. Alors nous pourrions trouver constamment du blé, non pas pour de l’argent, mais pour des produits manufacturés. Si nous ne prenons aux étrangers leur blé que tous les trois ou quatre ans, et s’ils ont besoin tous les ans de produits manufacturés, ils s’arrangeront de manière à prendre ces produits dans des pays qui leur prendront aussi leur blé tous les ans. Mais nous, nous sommes obligés de payer en argent ; cet argent, il faut que nous le prenions dans la banque, et nous poussons le pays à la banqueroute. »

Nous avons vu, il y a quelques années, un exemple remarquable de l’influence que la législation anglaise des céréales exerce sur la circulation du numéraire. En 1839, l’Angleterre, manquant de grains, fit un appel aux marchés étrangers ; mais comme cette demande soudaine n’était point prévue, il fallut payer les importations avec de l’or. La banque d’Angleterre, forcée d’exporter d’un seul coup 60 ou 75 millions de francs, retira subitement aux banques de province les avances qu’elle leur avait faites, et, pour se sauver elle-même de la banqueroute, se vit obligée de recourir à l’assistance de la banque de France.

Il ne faut donc point considérer la question des céréales d’une manière isolée, ni calculer uniquement jusqu’à quel degré le droit fixe ou le droit mobile peuvent déterminer le prix des grains. Sir Robert Peel reconnaissait avec raison, et il avouait avec franchise que la réforme de la loi des céréales n’apporterait aucun soulagement direct