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L’AFRIQUE SOUS SAINT AUGUSTIN.

est décidée à garder l’union avec l’église romaine, mais elle ne veut pas être son esclave. Ainsi, dans le concile tenu à Carthage, en 426, les évêques d’Afrique contestent au pape le droit de recevoir l’appel des jugemens des évêques d’Afrique, et d’absoudre ceux qu’ils ont condamnés, ou de condamner ceux qu’ils ont absous.

Je dois remarquer que l’esprit de schisme ou de liberté que les donatistes d’une part, et les orthodoxes de l’autre, montraient contre l’église romaine, chaque province d’Afrique et même chaque ville et chaque village le montre à son tour contre le métropolitain et contre l’évêque ; car l’esprit d’indépendance tient à l’esprit d’isolement, et c’est l’esprit d’isolement qui domine en Afrique. La société y a de tout temps été organisée en tribus, c’est-à-dire en groupes distincts les uns des autres, toujours indépendans et souvent ennemis. Cette organisation fractionnaire cherchait à prévaloir dans la société religieuse comme dans la société laïque. Je vois qu’en 397 les évêques se plaignent, dans un concile tenu à Carthage, que chaque peuple veut faire de son prêtre un évêque, et que de cette manière les diocèses se morcellent à l’infini. Cette plainte explique d’abord le nombre d’évêques que nous voyons en Afrique, puisqu’en 394 nous trouvons quatre cent dix évêques donatistes, et qu’en 411, dans la conférence entre les donatistes et les catholiques à Carthage, il y avait deux cent soixante-dix-neuf évêques donatistes et deux cent quatre-vingt-six catholiques, en tout cinq cent soixante-cinq évêques. Elle montre ensuite comment l’idée de la tribu, idée de morcellement et de division, avait fini par vaincre l’idée du culte, idée d’union et de communauté. La consanguinité continuait, en Afrique, à être le seul lien des individus et la seule force de cohésion, malgré le lien plus puissant que la religion semblait établir entre tous les hommes.

Cette organisation de la tribu qui a vaincu la hiérarchie de l’église chrétienne, nous la retrouvons debout encore aujourd’hui en Afrique devant notre administration centralisatrice ; curieuse rencontre entre les deux esprits les plus opposés du monde : — d’une part, l’esprit unitaire, qui semble devenir de plus en plus l’esprit dominant en Europe, et qui lie les hommes par des intérêts chaque jour plus généraux, je veux dire la ressemblance des idées ou des habitudes, et la communauté des jouissances de la paix ; l’esprit unitaire, qui tend à substituer partout les rapports administratifs aux rapports naturels, qui a pour science favorite la statistique, qui est l’art d’additionner les individus, et qui a aboli l’usage des généalogies, lesquelles ne servent guère plus à rien dans l’état social de l’Europe ; — et, d’une