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L’AFRIQUE SOUS SAINT AUGUSTIN.

dans l’église : le parti des hommes sages, qui blâmait la faiblesse des traditeurs, mais qui ne voulait pas qu’on les recherchât pour les flétrir ; le parti des zélés, qui était inexorable, et, dans ce parti, les plus violens étaient, comme toujours, ceux qui, sous la persécution, avaient été faibles, mais qui croyaient racheter la faiblesse d’hier par la violence du lendemain. En 312, Mensarius, évêque de Carthage, étant mort, Cécilien fut élu pour lui succéder ; il avait des compétiteurs, et, de plus, il avait pour ennemie une femme puissante et riche, Lucile, qu’il avait blâmée de la dévotion qu’elle avait aux fausses reliques. Lucile et les compétiteurs de Cécilien firent dans le clergé de Carthage un parti contre Cécilien ; ils lui reprochèrent d’avoir été ordonné par un traditeur, Félix, évêque d’Aptonge, et soutinrent que son élection était nulle. Aussi élurent-ils un autre évêque à la place de Cécilien. Il y eut donc à Carthage un évêque catholique et un évêque schismatique ; le premier de ces évêques schismatiques fut Majorin, et le second fut Donat, dont le parti prit le nom.

Le donatisme n’est point une hérésie, c’est un schisme, car les donatistes croient ce que croit l’église catholique ; seulement, selon eux, les traditeurs ont souillé la pureté du caractère épiscopal ; ils ont interrompu la descendance spirituelle des apôtres. Ne cherchez ici aucune des subtilités familières aux hérésies de la Grèce ou de l’Orient. L’esprit africain est à la fois simple et violent, et il ne va pas jusqu’à l’hérésie : il s’arrête au schisme ; mais il met dans le schisme un acharnement singulier. Il y a peu d’hérésies qui soient nées en Afrique. L’arianisme n’y vint qu’avec les Vandales, et encore l’arianisme, tel que le professaient les Goths et les Vandales, n’était pas l’arianisme subtil, tel que l’Orient l’avait connu, disputant sur la consubstantialité du père et du fils ; c’était un arianisme plus simple et plus à la portée de l’esprit des barbares, qui faisait du père et du fils deux dieux, dont l’un était plus grand et plus puissant que l’autre. Les hérésies africaines, et elles sont en petit nombre, n’ont jamais rien de subtil et de raffiné. Les célicoles, dont saint Augustin parle quelque part, ne sont qu’une secte qui penche vers le déisme primitif des Juifs, et semblent être en Afrique les précurseurs lointains du mahométisme.

Les donatistes africains n’ont ni avec le judaïsme, ni avec le mahométisme aucune analogie de dogmes, car ils ne contestent aucune des croyances chrétiennes ; mais ils ont avec ces deux religions une grande ressemblance extérieure. C’est la même allure de fanatisme,