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prises. Cependant, soit qu’à cette époque Dieu ne bénît pas les fournisseurs, soit qu’alors, comme de nos jours, il ne fût pas toujours commode de faire des affaires avec l’état, Paul se ruina, et le scandale de sa faillite le força de se démettre de son épiscopat, qu’il avait gardé malgré les sévères admonitions de saint Augustin. Il y avait aussi des prêtres qui se faisaient receveurs du trésor public, d’autres intendans des grandes familles[1]. Ces exemples montrent combien l’esprit de négoce était puissant en Afrique, et surtout dans les villes maritimes, comme Carthage et Hippone, puisque le clergé même ne s’en défendait pas.

Les esclaves étaient, alors comme toujours, un des principaux objets du commerce de l’Afrique, et cela seul eût suffi à saint Augustin pour éloigner l’église de toute espèce de trafic. L’église chrétienne, dans les premiers siècles, n’a jamais proclamé l’abolition de l’esclavage, car l’esclavage était une des formes de la propriété, mais elle a tout fait pour discréditer ce genre de propriété ; elle n’a pas prêché l’abolition de l’esclavage aux esclaves, mais elle a prêché l’affranchissement aux maîtres. Quiconque entrait dans le clergé devait affranchir d’abord ses esclaves. Ainsi nous lisons, dans un de ces comptes-rendus de son administration épiscopale, que saint Augustin faisait de temps en temps devant le peuple d’Hippone, nous lisons tantôt que tel ou tel laïque a émancipé ses esclaves devant toute l’assemblée, avant de prendre le diaconat, tantôt que les esclaves d’un autre sont entrés avec lui dans le monastère, comme ses frères et non plus comme ses esclaves, mais qu’il va aujourd’hui les émanciper solennellement par l’autorité de l’évêque. Ailleurs, il y avait un sous-diacre qui avait encore des esclaves ; mais saint Augustin se hâte d’expliquer au peuple que ces esclaves dépendent d’une succession dont le partage n’est point encore fait. Une fois le partage fait, les esclaves seront affranchis, et ils entreront, comme libres, dans le monastère, qui les nourrira[2].

  1. Voir le 17e concile d’Hippone. Tillemont, tom. XIII, pag. 179.
  2. « Diaconus Hipponensis homo pauper est ; quid alicui conferat, non habet : tamen de laboribus suis, antequam esset clericus, emerat aliquos servulos : hodie illos in conspectu vesto manumissurus est episcopalibus gestis… aliqui servuli ei (diacono Haracleo) reliqui fuerant, jam quidem in monasterio viventes, quos tamen gestis ecclesiasticis manumissurus est hodie… adhuc autem mancipia sunt ei (Valenti) similiter cum fratre communia, mondum divisa… Hoc sine dilatatione peragendum est, ut illi servuli dividantur, manumittantur et sic det ecclesiæ ut eorum excipiat alimentum. » (Serm. 356. tom. V, pag. 252.)