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JACQUES CALLOT.

Callot. Sa famille a laissé des souvenirs dès 1400, année où elle était attachée aux ducs de Bourgogne. On croit que cette famille est originaire de Flandre. Un Callot, secrétaire du duc Jean, père de Charles-le-Téméraire, était surnommé le Liégeois. Claude Callot, père de Jean et aïeul de Jacques, fut un des vaillans hommes d’armes de son temps ; Charles III, duc de Lorraine, pour reconnaître dignement sa bravoure et ses loyaux services, l’avait anobli avec éclat, comme plus tard le génie anoblit son petit-fils. Les armoiries de Claude étaient brillantes et ambitieuses ; l’écu portait d’azur à cinq étoiles d’or péries et posées en sautoir ; pour cimier un dextrochère revêtu, componé d’or et d’azur, tenant une hache d’armes, le tout porté et soutenu d’un armet morné d’argent couvert d’un lambrequin aux métails et couleurs de l’écu. Claude y inscrivit sa devise : Scintillant ut astra. Il avait épousé une petite-nièce de la pucelle d’Orléans. Jean Callot, premier héraut d’armes de Lorraine, épousa Renée Brunehault, fille du médecin de la duchesse Christine de Danemark. Renée était une bonne et simple femme, faite pour être mère ; aussi elle eut onze enfans. Jacques, le dernier des garçons, fut son Benjamin. Comme elle eut la douleur de perdre ses filles, son amour pour Jacques n’en devint que plus tendre. Jacques se souvint toujours du lait généreux et des pieuses larmes de sa mère ; il porta partout un grand cœur. Jean Callot, plus fier de son titre de héraut d’armes que le duc de Lorraine de son duché, comptait sur son plus jeune fils pour lui succéder ; ses premiers fils avaient déjà pris d’autres chemins : l’un entrait dans les gabelles, l’autre devenait homme de loi. Jacques, dès l’âge de huit ans, apprit à dessiner et à colorier des armoiries sous les yeux de son père. La passion de dessiner le saisit à ce point, qu’à l’école, apprenant à écrire, il fit un dessin de chaque lettre de l’alphabet. L’A, c’était le pignon de la maison de sa famille, le B, la girouette de leur voisin, et ainsi des autres ; aussi son écriture était des plus curieuses : on y découvrait tout un monde.

Il y avait eu des peintres dans la famille de sa mère, entre autres un oncle, un disciple d’Holbein, devenu maître d’une école religieuse en Allemagne. Renée Brunehault aimait les arts ; sans le vouloir peut-être, elle les fit aimer à son dernier fils. Elle ne pouvait comprendre qu’on passât toute sa vie, à l’exemple du solennel et austère Jean Callot, à secouer patiemment la poussière des vieilles armoiries. Dès qu’elle se trouvait seule avec Jacques, elle éveillait cette jeune imagination par le récit naïf, entrecoupé de baisers, des singularités historiques des hommes de génie. La bonne femme savait à mer-