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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE L’ITALIE.

dans le mouvement intellectuel de l’Italie contemporaine. Son individualité poétique ne se détache pas nettement, elle flotte indécise dans un demi-jour où il n’est pas facile d’en bien saisir tous les contours. Pellico appartient par ses débuts, mais sans en être le chef, à l’école romantique représentée en Italie par la brillante pléiade milanaise du Conciliateur. Après avoir régné si long-temps en paix au-delà des Alpes, les vieux rois classiques virent tout d’un coup, nous l’avons dit, leur autorité méconnue ; le poète Berchet, qui avait été le premier à déployer contre eux l’étendard de la révolte, jeta pour gant à l’ennemi une traduction de Bürger, précédée d’une lettre provocatrice, où il dressait ouvertement autel contre autel. Ce schisme éclatant causa un scandale immense, on prit les armes des deux côtés, et la mêlée devint bientôt générale. La lutte fut vive et le terrain disputé pied à pied. Les romantiques étaient d’autant plus ardens que la plupart d’entre eux cachaient sous les questions littéraires de véritables pensées politiques. Que voulaient-ils en effet ? Que la poésie s’inspirât des annales nationales, qu’elle y puisât des sujets au lieu de rendre un culte servile aux dieux morts du monde antique ; et ce qui rendait l’attaque plus redoutable, c’est que les chefs de l’insurrection joignaient l’exemple au précepte. Berchet répandait son ame de tribun dans des odes où respire avec une énergie passionnée l’amour de l’Italie ; Grossi préludait à son épopée nationale des croisés lombards par une nouvelle en vers, Ildegonda, empruntée également à la vie italienne, et dont le succès fut prodigieux ; Manzoni publiait Carmagnola. Pellico faisait la campagne sous les mêmes drapeaux ; mais, moins fort ou moins hardi que ces trois maîtres, il a manqué d’haleine et il est resté loin d’eux dans les trois ordres de poésie qu’il a successivement parcourus. Il avait reçu l’impulsion, il ne l’avait pas donnée, et il acceptait bien plus qu’il ne créait ; en un mot, il n’était pas le centre du groupe littéraire dont il faisait partie. Son existence pendant cette première phase a donc été, nous ne dirons pas subalterne, mais rejetée au second plan.

La révolution romantique une fois consommée (et la gloire du triomphe s’est concentrée presque tout entière sur la tête de Manzoni), la poésie italienne a usé de sa liberté pour aller puiser à d’autres sources que celles qu’on venait de lui conquérir ; elle s’est fatiguée bientôt du moyen-âge, et des vieux manoirs, et des vieux chevaliers ; les légendes ont perdu pour elle leur fraîcheur et leur charme. Glacée au contact de tous ces mânes évoqués de la poussière féodale, elle n’a plus eu de souffle, plus de vie pour les animer ;