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sonnage dramatique, du moins on peut le rendre tel en le mêlant à une action grande et majestueuse. Cet homme du désert, jeté au milieu des saturnales des cours antiques pour annoncer le rédempteur des nations, pourrait être au théâtre quelque chose de très nouveau et de très saisissant ; mais, tombé des hauteurs de sa mission divine dans un débat domestique, ce n’est plus le prophète, c’est un confesseur vulgaire. De quoi s’agit-il en effet ? Hérode est entre deux femmes. Sefora, son épouse légitime, et Hérodiade, la femme de son frère, à qui il l’a enlevée. Jean-Baptiste intervient pour mettre la paix dans le ménage, et certes, pour si peu, il ne vaut pas la peine de se proclamer, comme il le fait au début,

…… la voce dell’ eterna scuola.

Le poète a rapetissé l’homme, et l’histoire même.

Thomas Morus est écrit dans un autre ordre d’idées ; le vertueux auteur de l’Utopie meurt parce qu’il ne veut pas embrasser le protestantisme. Un tel sujet devait plaire à l’orthodoxie de Pellico, et l’on voit qu’il a tracé avec amour le caractère de Morus. Toute la pièce est dans ce seul personnage, et n’est à tout prendre qu’une biographie en tableaux : pas d’intrigue, aucune péripétie, tout est prévu.

Restent les tragédies politiques qui sont puisées dans le moyen-âge italien, et qui toutes respirent l’horreur des guerres civiles, la douceur des réconciliations. À l’exception de Leoniero, qui est Junius Brutus sous la figure de Lusignan, c’est toujours ou presque toujours une femme (Silvio est le poète des femmes) placée entre un frère, un père, un amant, un mari de partis différens. La personnalité de l’auteur ne se fait jour dans aucune de ses créations. Malgré sa résignation suprême, on s’attendrait cependant et l’on aimerait à entendre parfois sortir des lèvres du martyr un de ces cris involontaires qui partent du plus profond des entrailles. Vaine attente ! l’indignation chez lui se traduit en soupirs. Éloigné par nature autant que par système des sentimens extrêmes, il est contenu jusque dans les fureurs simulées de la tragédie : les cordes tempérées sont les seules qui vibrent dans son cœur.

Il faut le dire cependant : dans ses pièces politiques, à commencer par l’Eufemio, il professe partout la haine de la domination étrangère. Les représentations de Gismonda ne furent suspendues que par cette raison, et cependant les allusions n’y sont pas très révolutionnaires, témoin celle-ci :