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ne peut souffrir, au cœur des possessions britanniques, l’existence d’une république française. »

Cependant, en demandant la gestion réelle de leurs affaires par le vote des articles du budget colonial et des traitemens des fonctionnaires, ce n’était pas la cause d’une race défiante et jalouse que les Canadiens défendaient ; c’était celle de toutes les colonies, c’était celle dont l’insurrection triomphante des États-Unis semblait avoir assuré la victoire à jamais. Si la question se réduisait aux termes dans lesquels les Canadiens voulaient la renfermer, on pourrait dire qu’elle n’est pas définitivement terminée et qu’elle n’est qu’endormie pour un instant. On pourrait même croire que les whigs, qui ont eu la mission de la résoudre, y ont introduit, par certaines dispositions de l’acte de 1840, des fermens qui pourront éclater un jour. En arrivant au pouvoir, les whigs n’y ont apporté ni ces talens supérieurs, ni cette habileté acquise par l’expérience qui dominent les affaires, et de plus ils y sont entrés paralysés d’avance par la faiblesse de leur parti. C’est surtout dans le gouvernement des colonies que leur impuissance a laissé se développer de funestes abus. Ils ne furent jamais assez forts pour oser destituer les tories qui remplissaient les fonctions les plus élevées dans l’administration coloniale. Obligés néanmoins de s’assurer des appuis par la distribution des places, ils multiplièrent les emplois et grevèrent ainsi le budget des colonies au point qu’il n’en est pas une seule qui ne gagnât beaucoup à être replacée dans l’état où l’avaient laissée les tories en sortant des affaires. Dans la reconstitution du Canada, sur un budget d’environ 10 millions, ils ont assuré à l’administration coloniale un revenu permanent de 2 millions. On peut prévoir que les Canadiens réunis se trouveront trop chèrement gouvernés à ce prix. Dans l’Inde, l’Angleterre peut bien imiter Rome, qui ne semblait se servir de ses provinces que pour enrichir ses proconsuls et ses préteurs ; mais il y aurait péril à suivre cet imprudent système de déprédation dans une colonie qui touche à la république américaine, administrée à si bon marché. Le gouverneur du Canada reçoit un traitement de 212,000 francs ; c’est presque le double de celui qui est alloué au président des États-Unis. L’Angleterre ne doit pas laisser faire aux Anglo-Canadiens de semblables comparaisons.

Mais si la question canadienne est exclusivement politique, comme le prétendent les Anglais, s’ils réussissent à la dégager entièrement des complications de l’administration locale, s’ils peuvent donner au