Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/891

Cette page a été validée par deux contributeurs.
887
LE CANADA.

plir plus lentement et avec moins de secousses. C’est la tactique suivie aujourd’hui par le ministère de sir Robert Peel ; dans plusieurs détails d’administration coloniale, les Canadiens français paraissent avoir à se louer des tendances modérées et de l’impartialité tardive du gouvernement.

Quant à la lutte terminée par l’acte de 1840, pour se faire une idée exacte du caractère et des résultats de ce conflit, il faut tenir compte des deux faces sous lesquelles il s’est présenté. Il y a eu dans la question canadienne deux questions distinctes, une question de race et de nationalité, et une question de constitution coloniale. Les Canadiens ne prétendaient engager le débat que sur la dernière ; les Anglais n’ont voulu y voir que la première.

Après avoir reconnu l’indépendance américaine, le gouvernement britannique conservant des possessions considérables dans le voisinage de l’Union, il est hors de doute que sa première pensée dut être d’y former un établissement politique qui pût lui prêter, dans ses relations futures avec les États-Unis, un élément de force immédiate, une base d’opérations directe. Telles furent évidemment les vues de M. Pitt en 1791, lorsqu’il appela dans le Haut-Canada ceux des Américains qui, pendant la guerre de l’indépendance, étaient demeurés fidèles à la métropole. Mais le gouvernement britannique ne pouvait considérer le Canada comme appartenant véritablement à l’intérêt anglais, comme devant servir sérieusement la politique anglaise, tant que la partie la plus considérable de cette colonie appartiendrait à une nation différente, à des intérêts entièrement distincts sur plusieurs points. L’Angleterre fut donc portée, par les besoins de sa politique, à refuser à la population du Bas-Canada l’administration réelle de ses affaires, et à lui rendre illusoires les bénéfices des institutions représentatives en neutralisant la chambre d’assemblée par le conseil législatif. La chambre d’assemblée, de son côté, en demandant la pratique sincère de la constitution de 1791, avait parfaitement raison en droit : tout le monde le reconnaissait en Angleterre. « J’ai toujours pensé, disait formellement lord John Russell à la fin de la lutte, en présentant le bill même qui détruisait les pouvoirs de cette assemblée ; j’ai toujours pensé qu’on ne doit pas blâmer les chefs du parti français de l’usage qu’ils ont fait de leurs pouvoirs. Leur conduite était dictée par l’acte de 1791. » Mais les droits des Canadiens devaient céder devant l’intérêt anglais si nettement exprimé par ces paroles de sir Robert Peel : « L’Angleterre